Un nouveau documentaire autour de la dernière interview de l’idole de K-pop Sulli, qui s’est suicidée à 25 ans, dévoile des vérités complexes sur l’industrie musicale sud-coréenne, notoirement brutale. Dear Jinri, projeté en avant-première au Festival international du film de Busan (BIFF) en Corée du Sud, présente le dernier projet Netflix de la star. Au cœur du documentaire, l’ultime entretien de l’idole défunte, à la fois brut, puissant et déchirant.
Sulli, née Choi Jin-ri, s’est suicidée en 2019 après une longue bataille contre le harcèlement en ligne. Ce que Sulli partage lors de cette ultime conversation soulève «de nombreuses questions cruciales dans notre société», a relevé le réalisateur Jung Yoon-suk après la projection du film au BIFF.
«Il peut s’agir de questions liées aux femmes, de problèmes concernant les personnes vulnérables de notre société ou de questions liées à l’égalité», a-t-il ajouté. Sulli, qui a commencé sa carrière en tant qu’enfant actrice à l’âge de 11 ans, a fait ses débuts musicaux en 2009 avec le girls band f(x), qui est rapidement devenu l’un des groupes de K-pop les plus en vue. Connue pour son comportement considéré comme controversé en Corée du Sud, notamment son refus de porter un soutien-gorge en public, Sulli a été victime d’un harcèlement en ligne incessant et la cible de critiques à caractère sexuel.
Le film explore l’enfance solitaire de la chanteuse et ses combats avec son image en tant que femme dans un monde qui peut être intensément axé sur l’apparence. «Puisque tu es née en tant que jolie femme, tu n’as pas à savoir quoi que ce soit», lui aurait-on dit selon le documentaire. Les pressions documentées du monde de la K-pop sont mises en lumière, Sulli expliquant qu’on lui avait demandé d’être «un produit de la plus haute qualité».
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Elle compare son expérience à celle de la protagoniste du film de Luc Besson Nikita (1990), qui subit un entraînement rigoureux et vicieux pour devenir une machine à tuer, complètement coupé du monde extérieur. Il semblait que les gens «ne pouvaient pas se rendre compte que nous étions des êtres humains», raconte Sulli dans le documentaire. La réponse de Sulli sur les brimades en ligne qu’elle a subies – en particulier sa décision de pardonner l’un de ses harceleurs – est sans doute l’une des scènes les plus poignantes et les plus révélatrices du film.
L’interview est ponctuée de fréquentes pauses, la caméra s’attardant silencieusement sur son sujet, la douleur et le chagrin étant palpables sur son visage. Dans la salle, on entendait des sanglots tout au long de la projection. Le suicide est la principale cause de décès des Sud-Coréens âgés de 10 à 39 ans, selon les chiffres officiels. Plusieurs jeunes stars de la K-pop sont mortes par suicide présumé ces dernières années, dont Goo Hara, Jonghyun et Moonbin, suscitant de nombreux appels à mieux prendre en charge la santé mentale des jeunes dans l’industrie.
Sulli aborde également avec franchise le féminisme, un sujet encore controversé en Corée du Sud, pays socialement conservateur, en déclarant qu’elle a «soutenu les femmes qui se sont exprimées», même si leurs opinions ne correspondaient pas aux siennes. Le documentaire dresse le portrait d’une figure contemplative et résiliente qui a résisté à la pression du conformisme, s’efforçant au contraire de forger sa propre compréhension du monde et de la place qu’elle y occupe.
Il tire son titre du nom légal de Sulli, Jin-ri, qui signifie «vérité» en coréen. Son réalisateur voulait que le film soit aussi «profond que la vérité elle-même, comme le laisse entendre le nom» de la star. M. Jung estime «extrêmement important de voir cette personne non seulement comme une célébrité ou une idole, mais aussi comme quelqu’un qui possède une conscience de soi en tant qu’artiste».