Thriller de Martin Scorsese, 3h26

Déracinées de leurs contrées originelles par le gouvernement, les tribus Osage se voient attribuer en Oklahoma d’arides terrains qui se révéleront gorgés de pétrole. Les Indiens sont riches à ne savoir qu’en faire. Un détail: ils profitent de leur fortune, mais sont mis sous tutelle. Les Blancs utiliseront tout un tas de moyens pour les dépouiller, le plus fiable consistant à se marier avec une squaw. En 1920, Ernest revient du front. Ce viveur a un emploi du temps rigoureux: faire la bringue toute la nuit et dormir la journée entière. Ce programme a ses limites, même pour un garçon qui n’a pas inventé la poudre. Heureusement, son oncle le remet sur le droit chemin. Sur ses conseils, le neveu accepte d’épouser la douce Mollie, avec sa longue natte et ses couvertures bariolées qui lui servent de châles. L’Indienne a du diabète. Le brave Ernest lui injecte de l’insuline mêlée à du poison. Autour d’eux, les morts suspectes se succèdent. Les héritages changent de mains. Cette bizarre hécatombe finit par inquiéter Washington. La mythologie est au rendez-vous, avec une séquence finale où Martin Scorsese apparaît en chair et en os. Le passé est une plaine dévastée, un champ de flammes et de désolation. Scorsese a réussi l’équivalent du grand roman américain sur un écran. On y découvre sur quelles fondations se sont bâtis les États-Unis. E.N.

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Comédie d’Éric Toledano et Olivier Nakache, 1h59

Albert et Bruno sont au bout du rouleau. Le premier, qui travaille à Roissy, traficote en revendant des objets perdus. Le second est en pleine dépression. Ils se rencontrent par hasard autour d’un téléviseur volé. Ça, ils font la paire. L’un doit de l’argent à tout le monde. L’autre avale des barbituriques. Devant le corps inanimé de Jonathan Cohen, Pio Marmaï au téléphone répond à son interlocuteur qui lui conseille d’appeler le 18 : « Mais on est le 15, on ne va pas attendre trois jours ! » Il y a le fébrile et le décontracté, comme dans une fable de La Fontaine. Leur idée est de s’incruster dans une association caritative pour boire des verres gratuitement. La cause d’« Objectif terre », on verra après. Les bières d’abord. Ils assistent poliment à des conférences, acceptent de porter des surnoms (« Poussin », « Lexo »), louchent sur une militante brune à frange. Cela proteste contre le Black Friday, pérore sur le réchauffement climatique. Le fou rire est au rendez-vous. Les auteurs ont pris des risques. La vérité oblige à dire qu’ils s’en sortent avec brio. Bienvenue, donc, en 2023. E.N.

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Film d’animation de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach, 1h16

Les bulles colorées, jaunes, orange, vertes, éclatent sur l’écran, bondissent, ricochent, avant de rétrécir et de s’évanouir. Un feu d’artifice de couleurs et de mouvements contre les souvenirs qui s’oublient, les images qui s’effacent. Linda, petite fille espiègle de 8 ans, ne se souvient plus très bien de son papa, mort quand elle était très jeune. Alors le jour où sa maman, pour se racheter après une punition injuste, lui demande ce qu’elle veut, elle lui réclame… un poulet. Pas les nuggets préférés des enfants, ni la poulaille rôtie du dimanche midi, mais un plat encore plus spécial : le poulet aux poivrons « à la romaine » qu’il leur préparait. « Promis, juré, vomi ? » Avant de le cuisiner, faut-il déjà en trouver un, un jour de grève générale quand tous les magasins sont fermés. La chasse au volatile va s’avérer rocambolesque et pas piquée des chapons. Linda veut du poulet !, récompensé par le prestigieux Cristal du long-métrage au dernier Festival international du film d’animation d’Annecy, est la belle surprise pop et poétique des vacances, parfaite pour une sortie cinéma en famille. V.B.

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Documentaire de Wim Wenders, 1h34

Quand Wim Wenders regarde Anselm Kiefer, c’est aussi l’Allemagne qui se regarde. Ils sont nés tous deux à la fin de la Seconde guerre mondiale. Anselm Kiefer, le 8 mars 1945 à Donaueschingen, ville de la Forêt-Noire, dans le Bade-Wurtemberg. Wim Wenders le 14 août 1945 à Düsseldorf, en Allemagne de l’Ouest, sur le Rhin. Un même âge, une même culture, deux tempéraments perfectionnistes, sérieux au-delà du raisonnable, ancrés dans l’histoire, mais fort différents. L’un est cinéaste, maître d’un romantisme tantôt expressionniste (Les Ailes du désir, 1987), tantôt elliptique et lancinant (Paris Texas, 1984), toujours nostalgique. L’autre est un artiste total qui a construit son univers autour de sa peinture, hantée par l’Histoire et la voix des poètes, faisant de ses ateliers, de Barjac, près de Nîmes, à Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne), les toutes premières de ses oeuvres. La rencontre des deux donne Anselm, un film plutôt silencieux, majestueux et tendre sur un artiste mordant, ironique et impatient. V.D.

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