Demain, Catherine Deneuve fête ses 80 ans ou plutôt, à en juger par ses projets, son quotidien, sa forme intellectuelle et physique, ses 20 ans et quatre fois plutôt qu’une. Elle n’imaginait sans doute pas la dimension et la durée de son parcours lorsqu’en 1961, elle répond pour la première fois aux questions d’une journaliste Claude Le Gac. Ce reportage en noir et blanc que vous pouvez découvrir ou redécouvrir sur Madelen a été réalisé à l’heure de la sortie du film à sketches, Les Parisiennes.

Aussi timide que souriante, elle évoque son premier grand rôle : trente minutes intitulées Sophie, réalisées par Marc Allégret. Les dialogues ont été écrits par un scénariste qu’elle dit bien connaître, et pour cause : il s’appelle Roger Vadim et elle vit avec lui, une romance particulièrement discrète. À l’époque, les paparazzi ne s’intéressent pas encore à sa vie privée. Son histoire avec le 7e art a débuté quatre ans auparavant, par une figuration dans Les Collégiennes, mis en scène par André Hunebelle. Elle s’appelle encore Catherine Dorléac. Son nom ne figure pas au générique, et si elle a accepté de faire partie d’un groupe de jeunes filles qui chahutent dans un pensionnat, c’est pour suivre Sylvie, l’une de ses sœurs qui joue une fillette d’une dizaine d’années.

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À l’inverse de Françoise Dorléac, son autre sœur, son but n’est absolument pas de devenir actrice. Ses parents, Maurice Dorléac et Renée Simonot travaillent dans cet univers, mais peu lui importe. Et pourtant, en 1959, elle tourne dans Les petits chats, un film dont une censure extrêmement stricte a empêché la sortie. Pour quelle raison ? Elle l’ignore car, à cette époque, elle n’a pas osé demander ce qu’il s’était passé. De toute façon, personne ne lui aurait rien dit.

Ce long métrage demeure néanmoins un tournant symbolique dans son histoire. C’est à cette occasion qu’elle décide de choisir comme pseudonyme le nom de naissance de sa mère. Sa présence à l’écran devient un peu plus importante, en 1960, dans Les portes claquent, où elle tient un rôle qu’elle connaît bien, celui de la petite sœur de Françoise Dorléac. La même année, elle se prend encore plus au jeu en donnant la réplique à Mel Ferrer et Danielle Darrieux dans L’homme à femmes. En 1963, elle devient la sulfureuse Justine dans Le vice et la vertu, sur un scénario de Roger Vailland librement adapté des œuvres du marquis de Sade, réalisé par Roger Vadim. Des critiques hurlent au scandale. D’autres, en revanche, saluent le talent instinctif de la jeune actrice, et commencent à parier sur son avenir. Certains assurent même qu’elle sera la nouvelle Brigitte Bardot, et pas seulement parce que dès le tournage de Les Parisiennes, la brune qu’elle était a choisi de devenir blonde. Une presse que l’on n’appelle pas encore people la compare également à BB, alors au sommet de sa gloire. Catherine Deneuve récuse fermement cette comparaison et défend sa singularité. «Pourrait-elle apparaître déshabillée à l’écran ?», lui demande néanmoins Claude le Gac dans ce premier entretien Elle répond, du bout des lèvres que si un grand réalisateur comme, par exemple, Elia Kazan, le lui demandait, elle accepterait sans se poser de questions.

Elle ne va jamais le croiser mais travailler avec beaucoup d’autres, tout aussi illustres, à commencer par Luis Bunuel. En 1967, après le triomphe des Parapluies de Cherbourg», et des Demoiselles de Rochefort », être Séverine, vénale et fragile, dans Belle de jour assure définitivement sa gloire planétaire. Les Américains la surnomment « La femme la plus belle du monde ». Une beauté qui ne lui a pas été fatale, bien au contraire.