Soudain, le métro s’arrête dans un tunnel et les lumières s’éteignent. Les voyageurs soupirent, habitués à ces incidents qui ponctuent régulièrement leurs trajets. Les minutes s’écoulent, aucune information ne leur est transmise. Et puis, au bout d’un moment, les lampes se rallument, l’engin repart, toujours sans explication. Ces situations, bien connues des usagers des réseaux ferrés franciliens, sont dans le collimateur des opérateurs de transport, qui veulent améliorer les échanges avec leurs voyageurs confrontés à des problèmes d’exploitation, à l’approche des Jeux olympiques de Paris.

Lorsqu’un problème survient sur son réseau, la RATP parle d’abord d’un «incident d’exploitation», «le terme générique utilisé dans l’information voyageur». Mais celui-ci peut en réalité couvrir une vingtaine de situations différentes, du freinage d’urgence au colis suspect. Sur le réseau, «les difficultés rencontrées sont multifactorielles», avec «de nombreux types d’incidents» tels que des malaises voyageurs, des incidents techniques, des actes de malveillance ou des objets abandonnés, qui se sont multipliés par quatre ces dernières années. Or, qu’il s’agisse d’un «incident d’exploitation» sur la ligne 1, d’une «panne d’aiguillage» à Goussainville ou d’une «panne de signalisation» Gare du Nord, les répercussions peuvent être particulièrement handicapantes pour les usagers.

Difficile pour le voyageur, dans ces circonstances, de comprendre la situation et de réagir en conséquence. «Quand on nous dit “accident d’exploitation”, les gens s’agacent et râlent parce qu’ils ont le sentiment d’être menés en bateau», relève Arnaud Bertrand, président de l’association Plus de trains. Une situation vécue le 18 mars dernier, alors que le RER C est à l’arrêt en raison d’une panne d’aiguillage Gare d’Austerlitz. «C’est le manque d’information voyageur à jour et en temps réel qui a poussé les usagers bloqués dans le train à descendre sur les voies pour rejoindre la station Bibliothèque-François Mitterrand», reconnaît aujourd’hui Île-de-France Mobilités (IDFM).

Conscient de ce manque de transparence, la RATP est «en train de mener des travaux afin de préciser le vocabulaire utilisé en cas de perturbation». En outre, l’entreprise mène «depuis de nombreuses années» des actions en ce sens, dont la formation de ses conducteurs à la prise de parole lors d’incidents. Un point central, pour les associations d’usagers. En cas de problème dans un TGV par exemple, «le conducteur est chargé de régler l’incident et le contrôleur de communiquer, alors que dans un RER ou un métro, le conducteur est seul à devoir gérer les deux», rappelle Arnaud Bertrand. Et d’ajouter : «C’est un vrai métier. Tous les conducteurs ne sont forcément pas à l’aise avec le fait de s’exprimer à l’oral».

«Il ne faut pas hésiter à rendre concret un aléa (…). La population très habituée des transports en commun comprend très vite qu’une rupture de caténaire ou qu’un accident grave de voyageurs, c’est très costaud, et qu’il faudra sans doute changer de chemin», estime le représentant de l’association. Il plaide tout de même pour la mise en place d’un lexique plus clair : «On pourrait imaginer un système de gradation par couleurs, de vert au rouge, ou par numéros. Un peu comme pour les risques avalanches ou les couleurs de drapeaux pour aller se baigner».

L’autorité organisatrice des transports en commun franciliens, IDFM, rappelle que l’information voyageur doit être «traitée à tous les niveaux : à quai, à bord, sur les écrans mais aussi sur les applications ou encore les réseaux sociaux » et qu’elle est « encadrée dans les contrats avec les opérateurs». En cas de perturbation, ces derniers doivent diffuser «une annonce sonore dans les 3 minutes dans le premier véhicule impacté», «dans les 5 minutes en station» et «dans les 12 minutes dans les zones périphériques», détaille l’organisation. Elle recommande d’utiliser des «motifs concis et ayant du sens pour les voyageurs», comme «panne de signalisation» à la place d’«incident matériel», «malaise voyageur» plutôt qu’«incident voyageur» ou encore «manifestation sociale» pour «événement extérieur».

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Même travail du côté de la SNCF, qui dit améliorer «ces process au bénéfice des voyageurs». L’opérateur précise que les écrans des 426 gares d’Île-de-France «ont fait l’objet d’évolutions considérables» et peuvent désormais «afficher la position des prochains trains en temps réel, le temps d’attente restant ou encore le niveau d’affluence à bord». Une application, «InfoTravauxIDF», est exclusivement dédiée aux travaux ferroviaires dans la région, afin d’informer les usagers sur les perturbations à venir. Par ailleurs, SNCF Voyageurs souhaite «poursuivre les actions d’amélioration» via la diffusion de messages conjoncturels en direct, à bord et en gare, mais aussi via les écrans d’accès en gare en cas de travaux.

Jeux olympiques oblige, IDFM va aussi généraliser l’information voyageur trilingue français-anglais-espagnol, afin de «guider» au mieux les visiteurs. En parallèle, l’autorité compte «harmoniser l’ensemble des systèmes d’information voyageurs» entre les bus, métros, tramways et RER, pour informer l’ensemble des usagers du réseau d’un problème d’exploitation. D’abord dans le réseau souterrain, avec l’installation des écrans «panam» – pour «panneaux d’affichage métro» – ainsi que sur les écrans intégrés dans les portes palières des lignes automatisées, et d’ici quelques années, sur les abribus de la région. IDFM vient en effet de débloquer 73 millions d’euros pour le renouvellement sur 8 ans de l’ensemble des bornes d’information voyageurs bus.

Des avancées attendues depuis longtemps par les associations d’usagers. «Tout ça concourt au fait de montrer aux voyageurs que l’incident n’est pas forcément de la faute de l’opérateur et d’expliquer quelle est la marche à suivre pour le régler», relève Arnaud Bertrand. Pour l’usager, «avoir l’information» permet de «pouvoir choisir entre plusieurs alternatives» : rester et atteindre la fin de l’incident ou changer d’itinéraire. «Quand vous donnez les informations précises, la plupart des usagers peuvent se débrouiller par eux-mêmes», estime le président de Plus de Trains.