Malgré une fin d’année 2023 très dynamique en Chine, Hongkong et Macao, où les ventes avaient bondi de 25% sur la période d’octobre à décembre, le poids lourd suisse du luxe Richemont confirme qu’il n’est pas immunisé contre la tiédeur du marché chinois. Le groupe connu pour ses bijoux Cartier, Van Cleef

Les marchés ont particulièrement bien accueilli la publication du joaillier et horloger suisse ( 5,3% pour l’action Richemont vendredi, à 144,75 francs suisses). Avec un chiffre d’affaires annuel record de 20,6 milliards d’euros, en hausse de 8%, le groupe a compensé cette faiblesse grâce à ses autres marchés, notamment aux États-Unis. Mais il s’est montré très prudent sur les perspectives en Chine, qui pèse environ 20% de ses ventes, selon Zuercher Kantonalbank. « Comme nous l’avions prédit, un rebond durable de la demande chinoise prendra du temps », souligne le groupe.

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Après un très fort rebond du marché local fin 2022 et début 2023, à la fin des fortes restrictions liées à la politique zéro Covid de Pékin, l’euphorie de consommation est vite retombée en 2023 dans l’empire du Milieu. De quoi refroidir l’optimisme des acteurs du secteur sur une reprise durable.

Mi-avril, le leader mondial LVMH a fait état pour son premier trimestre 2024 d’une hausse de son chiffre d’affaires limitée à 3%, sous l’effet, entre autres, « d’une normalisation » de la consommation chinoise. Un mois plus tôt, son challenger Kering a jeté un pavé dans la mare en avertissant que la faiblesse de la demande dans le pays allait faire plier de 20% les ventes de sa vitrine Gucci. Depuis, d’autres acteurs (Salvatore Ferragamo, Burberry…) ont confirmé avoir souffert en Chine.

« Cela fait des décennies que les ventes de produits de luxe sont très liées au sentiment de bien-être des consommateurs, rappelle Johann Rupert, le président de Compagnie financière Richemont. Or il y a deux ans j’avais expliqué – et cela m’avait d’ailleurs rendu très impopulaire auprès de nos concurrents qui avaient vu leur cours de Bourse plonger de 15% – qu’il faudrait plus longtemps pour que ce sentiment feel good revienne en Chine. Nous avions aussi dit qu’il ne fallait pas se précipiter en pensant que le consommateur chinois allait revenir tout de suite. Et cela s’est avéré être le cas, car le confinement a laissé un gros impact et les Chinois sont encore en train de se remettre. »

Peu connu pour ses excès d’optimisme dans ses commentaires sur le marché, le dirigeant ne remet toutefois pas en cause le potentiel de moyen terme de l’empire du Milieu. Avec 1,4 milliard d’habitants et l’émergence d’une classe moyenne, celui-ci offre nombre d’opportunités, selon le milliardaire sud-africain.

« À moyen terme, je crois totalement dans la Chine, martèle-t-il. Le consommateur chinois est intelligent. Il étudie et il travaille. Et je ne pense pas que son envie de consommer du luxe s’arrêtera. D’ailleurs, si l’on raisonne en termes purement économiques, le nombre d’habitants en Chine continentale est énorme, avec beaucoup de gens qui travaillent très dur et qui ont réussi. Il n’y a aucune raison de croire que lorsque le sentiment de bien-être reviendra en Chine, cela ne se voit pas dans les chiffres. »

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Dans l’intervalle, le groupe compte sur les performances des pays alentour pour jouer les relais de croissance. « L’Indonésie, la Thaïlande, les Philippines, ce sont de très grands marchés qui se portent très bien économiquement », ajoute le dirigeant. Les États-Unis ont aussi progressé nettement au dernier trimestre, devenant le premier marché du propriétaire de Cartier.

Le leader mondial de la joaillerie a engagé une évolution de sa gouvernance. Alors que la présidence de Yohann Rupert avait pris un tournant plus exécutif pendant les turbulences du Covid, le groupe renforce la fonction de directeur général, jusque-là occupée par Jérôme Lambert. Le 1er juin, elle sera confiée à Nicolas Bos, actuel patron de joaillière de Richemont, Van Cleef

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Le signe d’un passage de témoin au sein du groupe intimement lié à son président et actionnaire majoritaire ? « Je ne suis pas en train de me mettre en retrait », tempère Johann Rupert, 74 ans. Selon lui, la nouvelle organisation vise à déléguer la gestion financière et à revenir à une structure de direction plus classique après les tumultes de la pandémie.