La FHP (fédération de l’hospitalisation privée) appelle à une «suspension totale» des activités des cliniques privées à compter du 3 juin, y compris les services d’urgence, pour demander une réévaluation de leurs tarifs de 500 millions d’euros pour 2024. Le mouvement est soutenu par cinq des six syndicats de médecins libéraux participant actuellement aux négociations conventionnelles avec l’assurance-maladie, sur la rémunération des médecins pour les cinq ans à venir. «Dès le mois de mai, les patients en passe de se faire opérer vont être appelés pour déprogrammer leur intervention. C’est insupportable d’en arriver là», a alerté jeudi Philippe Cuq, chirurgien viscéral à Toulouse et co-président du syndicat Avenir Spé Le Bloc. «À partir du 3, tout va s’arrêter. La situation va être dramatique, je ne sais pas comment les pouvoirs publics vont faire».
Les médecins spécialistes commenceront à contacter les patients pour les déprogrammer «entre le 15 et le 20 mai» pour «que le 3 juin il y ait le minimum de patients hospitalisés», a ajouté Philippe Cuq. «Nous allons avertir que nous ne pourrons pas les prendre en charge» à partir du 3 juin, a-t-il précisé. La suspension des activités des cliniques privées, totale du 3 au 5 juin, se prolongera jusqu’au 9 juin pour les urgences et la permanence des soins, ont indiqué la FHP et les médecins libéraux lors d’une conférence de presse conjointe. Le mouvement est «reconductible», et à durée indéterminée, ont-ils précisé. «Les urgences aussi seront renvoyées vers l’hôpital public. On ne maintiendra que les dialyses pour les patients chroniques, sinon ils meurent», a indiqué Lamine Gharbi, président de la FHP.
Bien conscientes des contraintes budgétaires, à deux jours d’une possible dégradation de la France par les agences de notation, les cliniques ne réclament pas à l’État d’argent supplémentaire par rapport aux 105,6 milliards d’euros votés au Parlement à l’automne pour les établissements de santé, mais une meilleure répartition de l’enveloppe entre public et privé. Et la colère gronde depuis plusieurs semaines, sans que le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux n’ait trouvé les moyens de l’apaiser. «On nous stigmatise, on nous maltraite. On dit que nous n’avons que des cas simples, des patients avec des carte vitales Gold Platinum, qu’on fait nos marges sur la chirurgie esthétique. C’est faux! », s’indigne Lamine Gharbi, président de la FHP, rappelant que le privé assure 55 % de la chirurgie, 75 % de la chirurgie ambulatoire, 40 % des prises en charge de patients atteints du cancer… «Nos tarifs de l’appendicite, de la prothèse de hanche sont fixés par l’État et sont 30% moins chers qu’à l’hôpital public. Plus le privé travaille, plus il fait faire des économies à la Sécurité Sociale» a-t-il ajouté.
Le gouvernement a annoncé récemment que les cliniques bénéficieraient d’une hausse de 0,3% de leur grille tarifaire en 2024, contre 4,3% pour les hôpitaux publics. Les 500 millions demandés par la FHP permettraient aux cliniques privées d’avoir une hausse équivalente à celle des hôpitaux publics, de pouvoir compenser l’inflation et revaloriser les salaires à la même hauteur que dans le public. «Avec ces tarifs, on ne peut pas augmenter les salaires des aides-soignantes, infirmières qui voient de l’autre côté de la rue l’hôpital public, qui a les vannes ouvertes pour revaloriser ses collaborateurs», se désole Lamine Gharbi, affirmant qu’une infirmière gagne 15% de plus aujourd’hui dans le public que dans le privé.
De leur côté, les syndicats de médecins soutiennent le mouvement à double titre. D’une part, 40.000 spécialistes libéraux travaillent dans les cliniques, et craignent de voir leur outil de travail fragilisé. «Les libéraux soutiennent la grève des cliniques, car on ne peut pas travailler sans eux. En Occitanie la part des cliniques est supérieure à celle de l’hôpital public», a indiqué Jérôme Marty président du syndicat Ufml. D’autre part, ils estiment que les propositions de l’Assurance maladie, dans les négociations conventionnelles en cours depuis plus d’un an, sont trop faibles. Alors que celle-ci veut aller vite et aboutir à un accord d’ici fin mai, avant les élections européennes, les négociations sont au point mort. En particulier, ils réclament une rallonge de 500 millions d’euros pour la revalorisation des actes techniques des spécialistes, dont une grande partie n’a pas évolué depuis les années 1990. «Le tarif d’une coloscopie n’a pas augmenté d’un centime depuis 1990, par exemple», indique ainsi Franck Devulder, gastro-entérologue et président de la CSMF. La révision de la classification commune des actes médicaux (CCM), au cœur de la négociation, compte 13.000 actes, allant de la radiologie aux actes techniques, en passant par la réanimation.