Le «février noir» se poursuit pour le commerce français. Comme ceux de Camaïeu en octobre, les salariés de San Marina voudraient y croire. Mais le ciel s’assombrit chaque jour davantage pour l’enseigne de chaussures moyenne gamme, qui compte 163 magasins et 680 salariés dans toute la France. Le sort de l’enseigne, placée en redressement judiciaire en septembre dernier, est suspendu à la décision que rendra le tribunal de commerce de Marseille lundi matin.
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Du côté des syndicats, on anticipe déjà le pire. «Les magasins San Marina fermeront définitivement lundi soir», soutient fermement la CGT. L’information aurait fuité lors du dernier Comité social et économique de l’entreprise. Contactée par le Figaro, la direction de San Marina dément la rumeur syndicale mais admet que la liquidation judiciaire de la chaîne est plus que probable.
Ancienne enseigne du groupe Vivarte, San Marina avait été acquise par Laurent Portella, Stéphane Collaert et Thierry Le Guénis, trois entrepreneurs spécialistes de la mode et de la grande distribution, en novembre 2019. Également actionnaire de l’enseigne Cosmoparis, le duo Portella-Collaert s’était par la suite offert Minelli (260 magasins), autre chausseur mis en vente par Vivarte en juin 2021.
Avec trois marques de premier plan dans son attelage, le tandem entendait bien raviver le secteur français de la chaussure, déjà en berne à la veille de la crise sanitaire. «Nous pouvons devenir le leader de la chaussure femme en cuir en France» clamait haut et fort Stéphane Collaert en 2019. L’ambitieux dirigeant tablait alors sur la «mise en place de synergie économique», en particulier des négociations communes avec certains fournisseurs, pour optimiser ses marges. Sur le plan marketing, le «pep’s» de San Marina devait faire paire avec le positionnement «luxe accessible et plus parisien» de Minelli.
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Las, la pandémie en a décidé autrement. Affecté par la fermeture administrative de ses points de vente, San Marina a bénéficié d’un prêt garanti par l’État (PGE), d’autres aides publiques et d’un apport actionnaire. Assez pour éponger partiellement les pertes de liquidités, mais insuffisant pour remettre l’enseigne sur de bons rails. «Les plans d’investissements et de rénovations de magasins ont été ralentis. Il faut aussi gérer des renégociations, comme par exemple celles des centres commerciaux qui ne vont pas retrouver tout de suite les mêmes niveaux de trafic» confiait Stéphane Collaert en janvier 2021. Le chiffre d’affaire de San Marina a chuté de 110 millions d’euros en 2018 – année de la cession par Vivarte – à 90 millions en 2021.
Dans la foulée du placement en redressement judiciaire de l’enseigne, Laurent Portella et Stéphane Collaert avaient un temps envisagé de rester «actionnaires minoritaires au sein d’une structure de reprise», avant de faire finalement marche arrière. La défection d’un «acteur majeur du secteur de la chaussure au Brésil» aurait dissuadé les deux actionnaires de déposer une offre, rapporte Le Monde.
Pour ce qui est des autres candidats à la reprise, ils sont tout aussi frileux. Aucun n’entend aller plus loin que la reprise de quelques magasins. L’enseigne de lingerie Valège se propose ainsi de reprendre sous sa bannière six boutiques – une bagatelle au regard des 600 points de vente de la chaîne.
Si elle devait être entérinée lundi, la disparition de San Marina serait un nouveau coup dur pour le secteur français de la chaussure, alors que l’on apprenait, mercredi dernier, le placement en redressement judiciaire d’André. Mince consolation pour Laurent Portella et Stéphane Collaert, l’enseigne ne devrait pas entraîner Minelli dans sa chute. La moitié «citadine» de San Marina se porte bien, assure la direction au Figaro. Autre exception notable dans ce contexte de crise, la bonne santé du groupe Éram (Éram, Bocage, TBS, Gémo…), qui affiche un chiffre d’affaires proche du milliard et de solides perspectives de croissance pour 2023.