Les mouvements sociaux viendront-ils perturber les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ? Alors que le Président de la République a appelé ce lundi à une «trêve olympique en matière sociale», les organisations syndicales ne l’entendent pas de cette oreille. Le 10 avril, le syndicat a déposé des préavis de grève dans les trois branches de la fonction publique pour la période du 15 avril au 15 septembre, qui inclut donc les Jeux olympiques (26 juillet-11 août) et paralympiques (28 août-8 septembre). La centrale réclame des recrutements pérennes, des primes ainsi que des droits aux congés et au télétravail. Sollicité, le syndicat explique revendiquer un «socle commun de compensations pour l’ensemble des fonctionnaires». «Quand on a demandé poliment au gouvernement de discuter, au cours de réunions ou par courrier, on n’a pas obtenu de réponse», déplore Céline Verzelettri, co-secrétaire générale de l’Ufse-CGT, l’union fédérale des syndicats de l’Etat. D’où la menace du débrayage, pour accélérer les négociations. Transport, hôpital, police, tourisme… Le Figaro fait le point sur les mouvements sociaux potentiels, secteur par secteur.
Les policiers et gendarmes travaillant en Île-de-France seront en première ligne durant les JO. C’est la raison pour laquelle le gouvernement s’est engagé à leur verser une prime allant jusqu’à 1900 euros. Une mesure qui devrait, a priori, désamorcer tout risque de conflit social au sein de la police nationale.
Mais il n’en est pas de même du côté de la police municipale. Aucune compensation n’est pour l’heure envisagée à l’encontre de ces derniers. Interrogé par l’AFP, Stéphane Poupeau (SNSP) avait prévenu début mars que «des actions» seraient menées dans certaines grandes villes «pendant le passage de la flamme», ou pendant les JO «si les choses n’évoluent pas d’ici là». Dans la capitale, des primes allant de 600 à 1.900 euros vont être proposées par la Ville de Paris aux agents municipaux de la police municipale, de la jeunesse ou de la propreté, en fonction de leur degré d’implication pendant la période des Jeux.
En 2012, lors des Jeux olympiques de Londres, les douaniers britanniques avaient entamé un débrayage retentissant à la veille de l’ouverture de la compétition. Qu’en sera-t-il des agents hexagonaux ? En début d’année, la CGT-Douane avait déposé un préavis de grève couvrant la période des Jeux olympiques. «Les douaniers déplorent légitimement le flou orchestré autour des congés, de la prime, des missions, des mesures d’accompagnement, des accréditations, du manque de renfort et d’effectifs dans certaines unités», justifie le syndicat. La situation semble avoir évolué depuis. Dans un communiqué datant de fin février, le syndicat évoque un «début d’éclaircie au bout du tunnel», en indiquant que le ministère des Comptes publics s’était montré favorable à l’octroi d’une prime (pouvant aller jusqu’à 1900 euros brut) pour les agents mobilisés. De quoi éloigner le spectre d’une grève chez les douaniers, bien que le préavis de grève de la branche ne soit pas levé.
800 équivalents temps plein. C’est le contingent de soignants supplémentaires dont aura besoin l’Assistance publique-hôpitaux de Paris pour faire face aux Jeux olympiques et paralympiques. La direction propose à ceux qui renonceront à une partie de leurs vacances de toucher une prime allant de 800 euros brut par semaine pour les salariés en catégorie C, à 2.500 euros bruts pour les médecins. «Insuffisant» et «discriminatoire» au regard des syndicats CGT, FO, Unsa et CFTC, qui en intersyndicale réclament quant à eux «2.000 euros pour tous dans tous les services» et le respect des «trois semaines minimum» de congé d’été. Si de nouvelles réunions sont prévues dans les prochains mois, une grève des blouses blanches durant la compétition n’est pas à exclure. D’autant que début janvier, le président de l’Association des médecins urgentistes de France, Patrick Pelloux, avait évoqué une possible «grève du zèle» de la profession pendant les mois d’été.
Personne n’a oublié les montagnes de déchets qui s’étaient amoncelés l’hiver dernier dans les rues de la capitale, à l’occasion de la mobilisation des éboueurs contre la réforme des retraites. «La même chose pourrait se produire pendant les JO si les négociations sur les primes et autres n’aboutissent pas», prévient Céline Verzelettri (CGT). Les éboueurs et autres agents territoriaux de la filière «Déchet» sont en effet inclus dans le préavis de grève déposé par la CGT pour la fonction publique. Voilà qui pourrait donner une image bien désavantageuse de la «Ville Lumière» aux yeux du monde.
«Il n’y aura pas grève» dans les transports, affirmait le ministre des Transports Patrice Vergriete fin février. À cent jours du coup d’envoi de la compétition, l’incertitude plane pourtant sur les principaux réseaux de transports. Seul le principal syndicat de contrôleurs aériens a annoncé en septembre dernier une « trêve olympique » des grèves jusqu’en septembre 2024. La direction du groupe Aéroports de Paris (ADP) a en outre consenti à verser une prime de 70 à 100 euros brut par vacation pendant et après les épreuves des JO.
La situation pourrait être plus compliquée en ce qui concerne les transports en commun franciliens. Les négociations pour les primes ne sont pas terminées pour l’ensemble des agents de la RATP. Dans les bus, un accord a été trouvé: les primes divergeront en fonction des métiers et des lignes. Les primes iront de 15 euros à 25 euros par jour travaillé pendant la compétition pour certains agents, tandis que les autres pourront toucher un bonus de 100 ou 200 euros supplémentaires. Les négociations sont toujours en suspens en ce qui concerne les conducteurs de métro.
Au-delà des primes exceptionnelles, la CGT-RATP souhaite des mesures de revalorisations salariales pérennes dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO). C’est la raison pour laquelle le syndicat a déposé le 5 février ce préavis de grève courant jusqu’à la fin des Jeux paralympiques, qui s’achèvera le 8 septembre. Ce préavis de grève constitue ainsi «un moyen de pression» susceptible d’inciter «la direction à revoir sa copie» d’ici là.
Pour ce qui est de la SNCF, les négociations sont toujours en cours. Fin mars, le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou indiquait que les discussions sur les primes JO-2024 seraient susceptibles de «converger» en mai ou en juin. «À ce stade», pour les JO, «je ne vois pas de risque particulier» de perturbations et «je ne suis pas pessimiste du tout», avait-il assuré. L’entreprise ferroviaire propose aux salariés mobilisés pendant la période des Jeux olympiques et paralympiques une prime de 50 euros par jour et 200 à 500 euros de prime supplémentaire en fonction de la période où ils posent leurs congés. Mais les syndicats restent vigilants: ils estiment que le chiffre de 1.500 euros, soit le montant maximal de primes cumulées, ne sera sans doute réservé qu’à une minorité d’agents. Affaire à suivre…
Il n’y a pas que dans la fonction publique que certains professionnels menacent de débrayer lors des Jeux olympiques. Dans le secteur privé aussi, l’ombre de la grève plane sur la compétition. Le secteur de l’hôtellerie-restauration, en première ligne, pourrait également se mobiliser, «en raison des conditions de travail très rude attendues sur le terrain», selon une responsable de la CGT.
Dans les commerces également, certains salariés grondent. La fédération commerce de Force Ouvrière a d’ores et déjà réclamé une «prime exceptionnelle par rapport aux contraintes que subiront les travailleurs du Commerce, liées à l’organisation des JO». Les salariés syndiqués, qui ne sont pas soumis au préavis de grève, mèneront «les actions nécessaires pour faire entendre les revendications du secteur notamment la revendication d’une prime», prévient Carole Prioult, secrétaire Générale du Syndicat des Employés et Cadres du Commerce de Paris au sein de FO.
Du côté des sites touristiques, les visiteurs pourraient également avoir de mauvaises surprises selon les cas. Les salariés travaillant à la Tour Eiffel, qui ont été mobilisé à plusieurs reprises ces dernières semaines, n’excluent pas de remettre le couvert lors des JO. «La reprise du mouvement social «dépendra de l’issue de la négociation» avec la mairie, indiquait Stéphane Dieu, délégué CGT du site, fin mars à l’AFP. L’option d’une fermeture prolongée du monument touristique est envisageable si les négociations débouchent «sur un constat de désaccord». «C’est une option qui reste sur la table même si personne, ni nous ni la Ville ni la France, n’a intérêt à ça», a affirmé le syndicaliste.