La marche pour atteindre 1% de croissance en 2024 est-elle trop haute ? Si l’exécutif refuse pour l’instant de modifier cette prévision, une nouvelle publication de l’Insee, ce mardi matin, est venue rappeler que cet objectif sera difficile à atteindre, mais pas impossible. Selon les experts, sur les trois premiers mois de l’année, ainsi, la croissance a fait légèrement mieux qu’attendu, atteignant 0,2%. De quoi porter l’acquis de croissance pour 2024 à 0,5%… Et permettre à Bruno Le Maire de souligner le succès de «la stratégie du gouvernement».
Dans le détail, l’activité a bénéficié de la consommation alimentaire, énergétique et en services des ménages, d’une part, ainsi que d’un rebond de l’investissement des entreprises, d’autre part. «À l’inverse, la contribution du commerce extérieur à la croissance baisse et est nulle au premier trimestre», ajoute la note de l’Insee : les importations ont augmenté légèrement, de même que les exportations, plus franchement.
«C’est une bonne surprise par rapport à ce qu’on prévoyait», a réagi mardi matin le patron de l’Insee, Jean-Luc Tavernier, sur le plateau de BFM Business. La cible de 1% de croissance n’est «pas hors d’atteinte», a-t-il ajouté : «Il faut que [l’activité] continue à se réveiller. Ce n’est pas fait, mais ce n’est pas hors d’atteinte». «La consommation est un peu meilleure, elle se réveille. […] C’est un réveil qui est encore timide, mais qui est manifeste», a commenté le représentant, ajoutant que l’investissement des entreprises «résiste aussi».
Pour rappel, dans leur dernière note de conjoncture au titre euphémistique – «La reprise se fait attendre» -, en mars, les statisticiens nationaux, pessimistes, disaient s’attendre à une croissance nulle sur les trois premiers mois de l’année. «Les premières données disponibles pour janvier 2024 (notamment production industrielle et consommation des ménages) sont […] mal orientées et la croissance serait nulle au premier trimestre, pénalisée par des arrêts ponctuels dans l’industrie, en particulier dans le raffinage et l’automobile», précisaient-ils. Et ce, avant un léger rebond au deuxième trimestre, à 0,3%.
De leur côté, les autres institutions se montraient également plutôt frileuses, tablant sur une croissance médiocre au premier trimestre et un rythme moins élevé que les prévisions du gouvernement sur l’ensemble de l’année. Le mois dernier, la Banque de France pariait sur 0,2% de croissance sur trois mois, et 0,8% sur l’année, quand l’OFCE parlait même de 0,1% au premier trimestre et «0,5% en moyenne annuelle en 2024». Une estimation revue à la baisse, une fois prises en compte les dernières coupes budgétaires annoncées du gouvernement, d’une part, et le ralentissement de la consommation d’autre part, expliquaient les auteurs. Le FMI, de son côté, tablait sur une croissance tricolore établie à 0,7% cette année, un rythme inférieur aux États-Unis, à l’Espagne et à la moyenne de l’Union européenne, mais supérieur à l’Allemagne ainsi qu’au Royaume-Uni.
Pris entre sa promesse de remettre les comptes d’équerre en ramenant le déficit sous la barre des 3% du PIB, d’une part, et sa volonté de défendre la croissance et l’investissement, d’autre part, l’exécutif se retrouve sur une ligne de crête de plus en plus étroite. Et ce, sous le regard attentif des agences de notation comme de l’Union européenne, qui souhaite voir Paris respecter ses engagements. Les milliards d’économies annoncées par le gouvernement récemment risquent de «perturber la croissance», rendant l’équation d’autant plus difficile à résoudre, relevait lundi le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. «Soit vous avez la croissance, et vous n’avez pas 3%, soit vous avez les 3%, et vous n’avez pas la croissance, et il faudra faire encore plus d’économie» à l’avenir, résumait-il.
Pour l’heure, toutefois, Bercy campe sur ses positions et maintient son cap, privilégiant l’activité à toute hausse d’impôt. «Nous tiendrons notre stratégie fondée sur la croissance et le plein-emploi, les réformes de structure et la réduction des dépenses publiques», réaffirmait Bruno Le Maire, vendredi dernier. Tout porte à croire que le chiffre de mardi matin, légèrement meilleur que prévu, devrait conforter le ministre dans ses positions. «Les faits sont têtus. La croissance française progresse. C’est un nouveau signe qui traduit la solidité de notre économie. La stratégie du gouvernement est payante», s’est d’ailleurs immédiatement félicité le patron de Bercy, après la publication des chiffres de l’Insee.