«Le salaire minimum en France n’est pas suffisant.» Cette critique du smic n’est pas l’œuvre d’un porte-parole d’un syndicat, mais d’un grand patron français, Florent Ménégaux, président du groupe Michelin. Le géant hexagonal du pneu a mis en place un «salaire décent» pour l’ensemble de ses 132.000 salariés à travers la planète. En France, aucun employé du groupe de Clermont-Ferrand n’est ainsi payé au smic, qui s’élève aujourd’hui à 1766,92 euros bruts par mois (1398,70 euros nets). Une politique à contre-courant de la tendance actuelle de montée du nombre de salariés payés au niveau du salaire minimum en France.
Les dernières données dont l’on dispose datent du 1er janvier 2023. Ces chiffres de la Dares, la direction statistique du ministère du Travail, montrent qu’à cette date, 3,1 millions de salariés du privé (hors agriculture) étaient rémunérés au niveau du smic en France (hors Mayotte). Soit 17,3% des salariés, après 12% en 2021 et 14,5% en 2022. Un «niveau historiquement élevé, dépassant de 1 point la valeur la plus haute observée depuis 1991 (16,3% de salariés concernés en 2005)», notait le Groupe d’experts sur le smic dans son dernier rapport annuel en novembre 2023. Un phénomène directement lié aux nombreuses revalorisations du smic qui se sont produites ces trois dernières années, provoquées par l’inflation. «Le smic a été revalorisé sept fois du 1er janvier 2021 au 1er mai 2023 avec une hausse cumulée de 13,5%», indiquait le Groupe d’experts sur le smic l’an passé.
Qui sont ces quelque 3 millions de salariés au smic ? En majorité des femmes (1,8 million, soit 57,3%), alors qu’elles représentent moins de la moitié des salariés français au global (45,2%). Et qui travaillent davantage à temps partiel. «Les salariés rémunérés au voisinage du smic sont en proportion deux fois plus nombreux à occuper un emploi à temps partiel que l’ensemble des salariés», lit-on dans le dernier rapport du Groupe d’experts sur le smic. Ainsi, 38,3% des salariés à temps partiel sont rémunérés au niveau du smic, contre 12,4% des salariés à temps complet.
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Si l’on regarde au niveau des entreprises, on trouve beaucoup plus de salariés au salaire minimum dans les très petites entreprises : 26,8% dans celles de 1 à 9 salariés, contre 15% dans les entreprises de 10 salariés et plus. Ainsi, près de trois salariés sur dix (29,4%) payés au smic travaillent dans une très petite entreprise (TPE, de 1 à 9 salariés), soit davantage que ce que ces entreprises représentent dans les salariés du secteur privé non agricole (21,2%). La Dares constate par ailleurs que la proportion de salariés au smic «tend à décroître avec la taille de l’entreprise : elle s’échelonne de 32,4% pour celles comptant 1 salarié à 10,6% pour celles de 500 salariés et plus».
Par secteur d’activité, c’est dans l’hébergement et la restauration que la part de salariés au smic est la plus élevée (39,8%), devant les «activités de services administratifs et de soutien» (35,3%). La part de bénéficiaires de travailleurs au salaire minimum est également importante dans la santé (25,5%), les «autres activités de services» (26,6%), ainsi que dans le commerce (22,5%). Et si l’on entre encore davantage dans le détail, par branches professionnelles, sont payés au smic plus de la moitié des salariés de la restauration rapide (65%), des services à la personne (57,3%), des prestataires de services du secteur tertiaire (52,1%) et des entreprises de propreté (51,8%).