Un nombre «stupéfiant» de travailleurs sont exposés à un cocktail toxique de risques pour la santé liés au changement climatique et ils ne sont pas assez protégés par les réglementations existantes, alerte lundi l’ONU. Augmentation de la fréquence et la gravité des canicules, fortes précipitations, incendies de forêt, sécheresses, cyclones tropicaux… Les travailleurs, en particulier ceux en extérieur, sont en première ligne des conséquences du réchauffement climatique, avertit le dernier rapport, Assurer la sécurité et la santé au travail à l’heure du changement climatique de l’Organisation mondiale du travail (OIT).

Ces derniers sont exposés à ces phénomènes «souvent à des périodes plus longues et à des intensités plus élevées que la population générale», concluent les spécialistes. Alors qu’en 2023, selon la Nasa, le mois de juillet a été le plus chaud jamais enregistré, la crise climatique «crée des risques sanitaires graves pour 70% des travailleurs dans le monde». L’heure n’est plus seulement à la prévention : la variation des températures et la multiplicité des phénomènes extrêmes ont déjà de sérieux impacts sur la sécurité et la santé des travailleurs dans toutes les régions du monde. L’OIT estime que plus de 2,4 milliards de travailleurs sur la planète (sur une main-d’œuvre totale de 3,4 milliards) sont «susceptibles d’être exposés à une chaleur excessive à un moment ou à un autre.»

Cette proportion est passée de 65,5% à 70,9% depuis 2000. Selon le rapport, 18.970 vies et plus de 2 millions d’années de vie sont perdues chaque année. Sans compter les 26,2 millions de personnes dans le monde qui souffrent d’une maladie rénale chronique liée au stress thermique sur leur lieu de travail.

Les conditions de travail deviennent plus difficiles dans de nombreuses industries exposées. Par exemple, la chaleur excessive réduit la productivité dans l’agriculture, la construction et d’autres secteurs. Une étude du National Bureau of Economic Research (NBER) a montré que chaque jour où la température dépasse 32°C aux États-Unis, entraîne une baisse de la production de 1,7%. L’agriculture, le tourisme et la pêche sont particulièrement sensibles aux conditions météorologiques extrêmes. Les fluctuations dans ces industries peuvent entraîner des pertes d’emplois et des bouleversements économiques dans les régions qui en dépendent fortement.

Le changement climatique engendre des problèmes multiples de santé, tels que les cancers, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires, les dysfonctionnements rénaux et les problèmes de santé mentale (dépression, anxiété, irritabilité, suicide…). Le rapport cite dans le détail:

– 1,6 milliard de travailleurs exposés aux rayons UV, avec plus de 18.960 décès liés au travail chaque année en raison d’un cancer de la peau sans mélanome.

– 1,6 milliard de personnes susceptibles d’être exposées à la pollution de l’air sur le lieu de travail, entraînant chaque année jusqu’à 860.000 décès liés au travail parmi les travailleurs en extérieur.

– Plus de 870 millions de travailleurs agricoles sont susceptibles d’être exposés aux pesticides, avec plus de 300.000 décès attribués à l’empoisonnement par les pesticides chaque année.

– 15.000 décès liés au travail chaque année en raison de l’exposition à des maladies dues à des parasites (comme le paludisme, NDLR).

Les conséquences financières pour les employeurs sont aussi légion, en raison de la perte de productivité, l’interruption des activités et des infrastructures endommagées, ainsi que les coûts associés aux mesures d’atténuation et d’adaptation au changement climatique à mesure que de nouvelles réglementations entrent en vigueur. Certains secteurs, tels que l’agriculture, l’énergie, l’industrie lourde et manufacturière, les transports et la construction, devraient être fortement affectés par le changement climatique et la transition vers le zéro carbone.

Fait «alarmant», le stress thermique «devrait réduire le PIB mondial de 2400 milliards de dollars en 2030.» Le rapport constate que l’impact est inégalement réparti géographiquement, la réduction attendue des heures de travail en 2030 s’élevant à environ 5% en Asie du Sud et en Afrique de l’Ouest, et à 0,5% en Afrique du Sud et en Afrique de l’Ouest, et de 0,1% dans les sous-régions européennes

Autre impact, si la température mondiale augmente de 2°C d’ici la fin du siècle, les demandes d’asile auprès de l’Union européenne (UE) devraient doubler.

Même si le réchauffement climatique est limité à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels d’ici la fin du siècle, les pertes financières cumulées dues aux seules maladies liées à la chaleur devraient atteindre 2,4 milliards de dollars. Aux États-Unis, les coûts sanitaires de la pollution de l’air et du changement climatique dépassent «déjà largement les 800 milliards de dollars par an» et ce chiffre ne devrait que croître.

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En 2021, une étude révélait que même une augmentation «modeste des températures» sur le lieu de travail entraînait 20 000 accidents supplémentaires par an en Californie, avec un coût social de 1 milliard de dollars. En comparant les dossiers de 2001 à 2018 de plus de 11 millions de demandes d’indemnisation des travailleurs californiens aux données météorologiques locales à haute fréquence, les auteurs ont isolé l’impact des journées plus chaudes sur le nombre de demandes d’indemnisation. L’étude montre que les jours où les températures sont supérieures à 90°F (environ 32°C), les travailleurs ont un risque de blessures de 6 à 9 % plus élevé que les jours où les températures sont inférieures à 50 ou 60°. Lorsque le thermomètre dépasse les 38°C, le risque de blessure augmente de 10 à 15 %.