L’armée de Terre piaffe d’impatience de le mettre en service. Le drone tactique Patroller a été certifié cette semaine (mercredi précisément) par la Direction générale de l’armement (DGA). Un premier système de cet engin de reconnaissance et de surveillance doit bientôt entrer en service, soit quatre ans plus tard que prévu initialement. Mais un accident, lors d’une campagne d’essais en vol en décembre 2019, avait décalé le calendrier de livraisons. Safran, maître d’œuvre du Patroller, et ses partenaires avaient dû retravailler sur le logiciel d’avionique qui commande les systèmes de contrôle de vol.

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L’armée de Terre en a commandé 14 exemplaires pour quelque 350 millions d’euros, avec ses stations sol et la maintenance, en 2016. Il avait été préféré au drone Watchkeeper, développé par Thales. Assemblé à Montluçon par Safran, son maître d’œuvre, le Patroller va progressivement remplacer les drones Spearwear vieillissants de l’armée française.

Doté de la boule optronique Euroflir 410 et de capteurs, notamment un système d’écoute et un radar, il offrira aux fantassins «une image d’une qualité exceptionnelle», a souligné Olivier Andriès, directeur général de Safran, maître d’œuvre du Patroller. Et, cela dans les domaines du visible et de l’infrarouge. Il peut aussi détecter des cibles en mouvement et les pointer grâce à son laser. Endurant (20 heures d’autonomie), il volera à plus de 7 000 mètres d’altitude à la vitesse maximum de 314 km/heure, dans un rayon d’action de 180 km. Il sera utilisé par les armées sur les théâtres d’opérations mais aussi en milieu civil, dans le cadre de la sécurisation de grands évènements tels que les JO de Paris en 2024. Le drone est en effet également certifié par l’agence européenne de la sécurité aérienne (Easa) pour voler dans l’espace aérien civil.

«Le Patroller répond aux besoins des armées. C’est une plateforme modulaire qui pourrait accueillir d’autres charges utiles. Nous sommes d’ailleurs prêts à développer une version armée en un temps record», assure Olivier Andriès. Le drone pourrait en effet porter des missiles ou des roquettes, si le ministère des Armées en exprime le besoin. La nouvelle Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2030 devrait apporter une réponse sur le besoin d’une version armée mais aussi sur les volumes. «Si le Patroller devient un produit de gros volume, le coût de revient baissera», résume le directeur général.

Avec une version armée du Patroller, Safran a proposé à la DGA de devenir «opérateur pilote» de l’«économie de guerre», cette nouvelle politique industrielle, qui vise à développer et produire plus et plus vite des matériels militaires. «Nous y sommes prêts», assure Olivier Andriès. Si les volumes sont là, alors «nous pourrions ouvrir une seconde ligne d’assemblage de la cellule du drone », ajoute-t-il. La cellule est en effet basé sur le moto planeur, ASP S-15, construit par le groupe allemand Ecarys/Stemme.

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Prêt à développer et produire sur un mode «agile», inspiré de son expérience dans les montées en cadence rapide de ses moteurs d’avions commerciaux Leap, Safran plaide toutefois pour un changement de logiciel au sein de l’écosystème militaire. «L’industrie doit être plus agile, plus flexible et plus rapide mais il faut aussi des spécifications au juste besoin», insiste Olivier Andriès. Cela, afin d’éviter l’envolée des coûts et les délais à rallonge. Parfois, «20% des spécifications génèrent 80% des coûts de développement». En clair, la DGA et les armées ne doivent pas exiger un «mouton à cinq pattes» très long à mettre au point et à tester. Mais au contraire aller vers plus de simplicité sans renier l’efficacité recherchée. Il faut aussi en finir avec les «sur-spécifications» de précaution, très peu utilisées, à l’instar de «ce système anticollision avec un vélo pour des matériels militaires, qui ne verront jamais un vélo de leur vie», explique un autre industriel français.

Pour aller plus vite, il faut aussi engager une réflexion sur les stocks dont le financement doit être, selon Olivier Andriès, «partagé entre les industriels et le ministère des Armées».