«De l’eau, pas des puces.» C’est sous ce slogan que se sont rassemblés, samedi 1er avril, entre 500 et 800 manifestants, venus s’opposer au projet d’extension de l’usine de semi-conducteurs du groupe STMicroelectronics de Crolles (Isère). Se voulant pacifique et «joyeux», le cortège a défilé aux abords du site avec un mot d’ordre: dénoncer «l’accaparement des ressources» et notamment de l’eau, nécessaire pour le rinçage des plaques de silicium, par le site de Crolles et par l’ensemble de l’industrie des semi-conducteurs.
C’est ici, au cœur de la vallée du Grésivaudan, entre Grenoble et Chambéry, que se construit actuellement le plus grand site français de fabrication de puces électroniques. À l’été 2022, Emmanuel Macron avait fait le déplacement pour annoncer cet investissement de 5,7 milliards d’euros, porté par le groupe franco-italien STMicroelectronics et par le groupe américain Global Foundries. Aux côtés du chef de l’État, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, avait salué «le plus grand investissement industriel des dernières décennies hors nucléaire et un grand pas pour notre souveraineté industrielle». En renforçant la capacité de production de semi-conducteurs sur le sol français, l’usine de Crolles s’inscrit dans le «Chips Act» porté par la Commission européenne, avec l’objectif de réduire la dépendance de l’UE vis-à-vis de l’Asie sur cette production stratégique, en créant au passage 1000 emplois sur le territoire.
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Quelques mois après cette annonce et alors que les travaux ont débuté sur le site de Crolles, l’opposition a commencé à se structurer dans la région grenobloise. Créé à l’automne dernier et déclarant aujourd’hui «une grosse vingtaine de membres actifs», le collectif citoyen Stop Micro pointe du doigt «les besoins colossaux» du groupe STMicroelectronics et de l’entreprise Soitec, également installée à Crolles et spécialisée dans la fabrication de matériaux semi-conducteurs. «Notre manifestation s’inscrit dans le contexte des luttes pour l’eau qui, de Sainte-Soline à Grenoble, concernent toutes et tous. Au sortir d’un hiver particulièrement sec et alors que l’Isère est toujours en vigilance sécheresse, nous voulions recentrer le débat sur la consommation d’eau par les industries», explique un membre du collectif.
«Ce qui nous alerte, ce sont les volumes en valeur absolue: la quantité d’eau qui part chaque année vers les usines de Crolles est comparable à celle qui est consommée sur cette même période à l’échelle de la ville de Grenoble (qui compte 160.000 habitants, NDLR)», explique Sébastien Triqueneaux, ingénieur de recherche au CNRS, qui a participé en tant que citoyen à la manifestation et qui fait partie du collectif Scientifiques en rébellion. «Aujourd’hui, la quantité d’eau est suffisante pour répondre à tous les besoins, mais qui peut garantir que ce sera le cas à l’avenir?»
Président de la Communauté de communes du Grésivaudan, et conseiller régional de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Henri Baile appuie, de son côté, sur cette disponibilité de l’eau dans la vallée: «Si ces industries se sont implantées ici, c’est en raison de la pureté et de l’abondance de l’eau. Les opposants donnent le sentiment qu’on alimenterait les industriels au détriment des populations, c’est totalement faux.» Pour tenter «d’objectiver» la situation, la communauté de communes a lancé à l’automne dernier une étude pour connaître précisément la quantité et la qualité des nappes phréatiques sur le territoire. «Les industriels ont également conscience de leur responsabilité sur la question», ajoute Henri Baile, qui attend aujourd’hui «un retour à la raison» des manifestants opposés au projet.