Nouvelles secousses au journal marseillais la Provence. Après la grève menée par les journalistes pour contester les suppressions de postes en novembre dernier, les salariés du quotidien détenu par l’armateur Rodolphe Saadé, sont actuellement réunis pour une nouvelle assemblée générale. Cette fois, pour contester la mise à pied d’une semaine de leur directeur de rédaction, Aurélien Viers.
« À la suite de la Une de la Provence du jeudi 21 mars 2024, qui a provoqué de vives réactions liées à l’ambiguïté de son message, la direction du journal a décidé de mettre en retrait pendant 1 semaine Monsieur Aurélien Viers», indique un email reçu par la rédaction du journal et que le Figaro a pu consulter, «et de procéder à un audit sur le processus de fabrication de la Une». Pendant une semaine, la direction de la rédaction sera assurée conjointement par les journalistes Tanguy Cohen et Michaël Levy.
Cet épisode survient alors qu’une charte d’indépendance du journal allait être signée. «Elle est déjà piétinée», s’insurge une source proche de la rédaction. « Si Aurélien Viers reste, il est affaibli. S’il part, c’est un affront à l’indépendance de la rédaction», ajoute-t-elle. Le Syndicat National des journalistes a envoyé vendredi matin un email aux salariés du quotidien la Provence pour dénoncer cette situation et organiser une assemblée générale qui se tient actuellement, afin de décider «de la suite à donner à cette atteinte à la liberté d’informer». Une grève pourrait être votée par les journalistes du journal.
La Une du jeudi 21 mars donnait la parole à des habitants et certains dealers de la cité phocéenne après le passage du président Emmanuel Macron au quartier la Castelane, connu pour son trafic de stupéfiants. «Il est parti et nous, on est toujours là», a titré le journal en citant deux des personnes interrogées dans le dossier.
Selon nos informations, Rodolphe Saadé aurait convoqué le directeur de la publication, Gabriel Harcourt, pour lui manifester son désaccord avec ce choix de Une. « Nous avons su en interne que cette Une a déplu à CMA », confie un autre proche de la rédaction. «Cette fameuse une qui fait tant parler a été validée et envoyée. Il n’y avait aucun problème pour nous, mais on a commencé à avoir des doutes ce matin très tôt», abonde une autre. «Je pense qu’il y a une volonté de sortir Aurélien Viers parce que les résultats ne sont pas assez bons aux yeux de l’actionnaire», ajoute-t-elle.
Un mot d’excuse a été publié à la une du journal de ce vendredi, signé «du directeur de la publication Gabriel d’Harcourt», souligne le courrier du Syndicat des journalistes. Il y évoque «l’émotion de beaucoup d’entre vous» à la lecture de la Une du 21 mars, qui «faisait croire que nous donnions complaisamment la parole à des trafiquants de drogues décidés à narguer l’autorité publique.»
Le journal La Provence a été racheté il y a un an par l’armateur Rodolphe Saadé. Ce proche d’Emmanuel Macron se fait petit à petit une place de choix dans les médias. Il s’apprête à acquérir le groupe Altice Media, propriétaire de BFMTV et RMC.