Il est l’homme à la tête de la plateforme d’échanges de cryptomonnaies la plus célèbre au monde. Richard Teng, le patron de Binance, observe d’un œil avisé toute l’effervescence qui ne cesse de croître autour de ce marché. Mais aussi l’adoption grandissante de ces actifs. «Il y a trois ans, les sociétés financières traditionnelles pensaient que les cryptomonnaies n’étaient qu’une mode, et qu’elle ne durerait pas», se souvient celui qui a pris les rênes, il y a cinq mois, de l’entreprise aux 185 millions d’utilisateurs. Mais aujourd’hui, les lignes bougent. «On a par exemple le PDG de la plus grande société de gestions d’actifs au monde, BlackRock , qui déclare que les cryptomonnaies constituent une technologie très importante et affiche son optimisme sur le long terme».

Si les cryptoactifs existent depuis plus de quinze ans, «nous ne sommes pourtant qu’aux débuts de leur adoption par les institutions financières traditionnelles», souligne au Figaro Richard Teng. Ancien directeur de la réglementation de la Bourse de Singapour, puis PDG du marché mondial d’Abu Dhabi, le quinquagénaire n’a rejoint Binance qu’en 2021, en tant que responsable mondial des marchés régionaux. En fin d’année dernière, il se retrouve sur le devant de la scène et devient PDG de Binance après la démission de son ancien homologue Changpeng Zhao. Ce dernier a plaidé coupable en novembre dernier de violation de lois américaines contre le blanchiment d’argent et a dû s’acquitter d’une amende de 50 millions d’euros. Richard Teng s’attèle désormais à redresser la barre de l’entreprise et retrouver la confiance de ses partenaires et des institutions.

Et tout reste encore à faire puisque, selon lui, seulement 5% des établissements institutionnels ont intégré les cryptomonnaies dans leur fonctionnement. Pour une démocratisation plus large dans le monde, Richard Teng estime qu’il faut réunir deux facteurs essentiels : «la clarté de la réglementation et la venue d’investisseurs institutionnels qui favorisent l’innovation.» Et avec l’arrivée de plus en plus d’acteurs dans ce secteur, «les plateformes deviennent beaucoup plus dynamiques et plus robustes», observe le nouveau patron de Binance.

Lors de sa venue à l’occasion de la Paris Blockchain Week, qui se tient jusqu’au 11 avril, Richard Teng ne manque pas de souligner les efforts de la France pour mieux réguler le marché : «le pays est une plaque tournante très importante au niveau mondial, notamment en termes de promotions et d’intégration des cryptomonnaies». Il n’hésite pas, d’ailleurs, à tendre la main au gouvernement et déclare «avoir hâte de travailler en étroite collaboration avec les décideurs politiques et les régulateurs français».

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«Nous avons bien l’intention d’utiliser la France comme base pour poursuivre notre expansion dans le reste de l’Europe, sous le régime MiCA », qui s’appliquera à partir du 30 décembre prochain. Adopté il y a un an par l’Union européenne, ce règlement vise à établir un cadre juridique, à mieux tracer les cryptoactifs et à renforcer la protection des consommateurs. «Ces réglementations sont nécessaires pour fournir des règles du jeu équitables pour tout le monde, juge Richard Teng, et l’Europe montre la voie à suivre en termes de clarté sur ce sujet». Le patron de Binance considère «qu’à l’heure actuelle, environ un tiers des régulateurs mondiaux modèrent les cryptomonnaies». Il applaudit les efforts de l’Union européenne sur sa manière de procéder, «c’est une très bonne avancée pour l’industrie», souligne le Singapourien, sourire aux lèvres.

Ces réglementations apparaissent d’autant plus essentielles que le marché ne cesse de faire parler de lui. Il y a un mois, la valeur du Bitcoin a battu son record historique, pour franchir la barre des 70.000 dollars. La frénésie des investisseurs autour de la reine des cryptomonnaies ne tarit pas et, selon Richard Teng, «nous entrons effectivement dans une phase de réchauffement du marché». En cause notamment, la multiplication des ETF Bitcoin, «qui vont permettre d’avoir beaucoup plus de produits structurés en Bitcoin». Concrètement, ces ETF permettent aux investisseurs d’acheter du Bitcoin via des fonds cotés en Bourse et donc, de diminuer les risques. En mars dernier, «les volumes des ETF Bitcoin au comptant ont bondi à 111 milliards de dollars, quasiment le triple du mois précédent», détaille le média spécialisé Cointribune.

Rendez-vous maintenant dans dix jours, selon les spécialistes, pour assister au prochain «halving». Cet événement clé va réduire de moitié la création de nouveaux Bitcoins et intervient environ tous les quatre ans. L’objectif ? Contrôler «l’inflation» autour du Bitcoin en raréfiant son offre. Une mesure qui pourrait faire bondir le cours de la cryptomonnaie avec des estimations au-delà des 150.000 dollars d’ici la fin de l’année. Mais Richard Teng se veut prudent : «Cette classe d’actifs subira encore des mouvements et de la volatilité.» «Je conseille aux investisseurs qui souhaitent s’aventurer dans ce domaine de faire leurs propres recherches. Il faut faire preuve de prudence en matière d’investissements», rappelle-t-il, avant de conclure «qu’il faut commencer petit, et investir en fonction de vos économies», tout en gardant un matelas de sécurité.