Prêt à trancher le nœud gordien, Stanislas Guerini appelle à «lever le tabou du licenciement dans la fonction publique » afin de renforcer son «efficacité». Dans les colonnes du Parisien , le ministre tape du poing sur la table. «Il y a trop longtemps eu une culture de l’évitement sur ces sujets-là», tance-t-il en pointant du doigt les chiffres de licenciements dans la fonction publique d’État (ministères préfectures, établissements scolaires). «C’est un dévoiement du statut de la fonction publique de considérer qu’au nom de la garantie de l’emploi, on ne puisse pas se séparer d’un agent qui ne ferait pas son boulot», ajoute-t-il. Si le ministre entend bien faciliter l’entrée et la sortie dans la fonction publique, quelles sont aujourd’hui les raisons qui peuvent contraindre un fonctionnaire à prendre la porte ? Le Figaro fait le point.

Contrairement aux personnels du secteur privé, la situation des fonctionnaires n’est pas régie par un contrat : les fonctionnaires sont placés sous un régime de droit public. Leur statut, inscrit dans le code général de la fonction publique (CGFP), est déterminé par la loi et le règlement. Réputés indéboulonnables une fois titularisés, les agents de la fonction publique jouissent bien d’une «garantie obligeant l’administration à trouver au fonctionnaire un emploi correspondant à son grade en cas de suppression de son poste», précise le site vie-publique. Toutefois, il est «totalement erroné» de croire qu’un fonctionnaire a son emploi garanti à vie, tance Mylène Jacquot, secrétaire générale de l’Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés de la CFDT (UFFA-CDFT).

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Il existe en effet plusieurs raisons pour lesquelles l’employeur peut mettre fin unilatéralement à la carrière d’un fonctionnaire. Déjà, l’insuffisance professionnelle ou les motifs disciplinaires et autres fautes professionnelles, comme évoquées par le ministre de la Transformation et de la fonction publique. La première est un dispositif « très mal défini et surtout extrêmement peu appliqué», a jugé le ministre sur France Inter. En 2022, sur 2,5 millions d’agents de la fonction publique d’État, seuls treize ont été licenciés pour «insuffisance professionnelle» et 222 pour motifs disciplinaires, selon la Direction générale de l’administration et de la fonction publique.

C’est aussi «une procédure qui repose en partie sur de l’arbitraire, pas sur des faits clairement établis comme lors d’un licenciement pour faute professionnelle», fustige Olivier Bouis, le secrétaire général adjoint de la Fédération Générale des Fonctionnaires de Force Ouvrière (FGF-FO). «La notion d’insuffisance ne nécessite pas une faute mais de l’appréciation personnelle, soit le contraire de l’idée derrière le statut général des fonctionnaires qui est de contrer l’arbitraire», ajoute-t-il.

Par ailleurs, l’article L553-1 du CGFP mentionne également l’abandon de poste et le refus de trois postes de même grade. «Les fonctionnaires peuvent aussi être radiés des cadres (ie, radier des listes des fonctionnaires) pour inaptitude, un phénomène assez courant dans la fonction publique hospitalière voire territoriale», ajoute Mylène Jacquot. Avant d’ajouter que «la seule cause de licenciement qui n’existe pas est le licenciement économique». Lors d’un licenciement, la commission administrative paritaire (à moitié composée de représentants du personnel) doit être saisie pour tous les motifs de licenciements. «Sauf en cas d’insuffisance professionnelle qui impose le respect de la procédure disciplinaire», précise l’UFFA-CDFT.

D’après les données de la Direction générale de l’administration de la fonction publique, 3351 sanctions ont été prononcées en 2022 contre un agent de la fonction publique d’État, soit environ un agent sur 746 sanctionné. La plupart des fautes concernaient des incorrections, violences et insultes ou harcèlement moral, ou bien des négligences, désobéissances hiérarchiques, absences irrégulières ou abandons de postes, représentant plus de la moitié du total. Ces agissements étaient surtout sanctionnés par des avertissements, des blâmes, et plus rarement des exclusions temporaires de fonctions ou des révocations.

Si les chiffres de 2022 peuvent sembler faibles, notamment le nombre de licenciement pour insuffisance professionnelle, les syndicats interrogés préfèrent y voir «une source de satisfaction». «La faiblesse du nombre montre que les recrutements sont plutôt bien faits et qu’en cas de difficultés (souvent ponctuelles et explicables), elles s’accompagnent et se résolvent plutôt qu’elles ne se sanctionnent», avance Mylène Jacquot. Même son de cloche de FGF-FO. Pour Olivier Bouis, «il n’y a pas de raisons qu’un fonctionnaire ne soit pas en capacité de faire son travail. Les concours d’entrée sont difficiles, les niveaux de diplômés des agents sont souvent supérieurs aux exigences des postes et dès leur admission, ils sont formés en plus à la mission».