Elon Musk en a pris pour son grade. Delphine Ernotte, la patronne de France Télévision, s’est insurgée une nouvelle fois contre le rapport aux médias du réseau social Twitter depuis sa reprise par le milliardaire américain. Depuis quelques semaines, Twitter avait en effet appliqué sur les comptes de grands médias des mentions controversées comme «média affilié à l’État» et «média financé par des fonds gouvernementaux», avant de les supprimer vendredi face au mouvement de contestation international. Il est «effrayant» que le milliardaire Elon Musk, propriétaire du réseau social Twitter, prétende «déterminer si un média est indépendant ou s’il ne l’est pas », s’est offusquée Delphine Ernotte dans une interview accordée au journal Les Échos. «Voir un milliardaire américain tenter de jouer ainsi avec notre indépendance et définir notre espace public est effrayant», a poursuivi la présidente du groupe public.

Ces dernières semaines, Twitter avait appliqué sur les comptes de grands médias des mentions controversées, «média affilié à l’État» et «média financé par des fonds gouvernementaux», avant de les supprimer vendredi. «Twitter a reculé car la mobilisation collective des médias publics, du Canada à l’Australie, a payé», a commenté Delphine Ernotte. «Mais cela pose la question de la maîtrise de notre espace informationnel. On ne peut pas laisser des acteurs américains, demain chinois, jouer ainsi aux apprentis sorciers avec nos démocraties», a-t-elle poursuivi.

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Mi-avril, la radio publique américaine NPR avait quitté Twitter, mécontente de la mention «média affilié à l’État américain», qui la mettait sur le même plan que des organes russes comme Russia Today (RT) ou l’agence officielle chinoise Xinhua (Chine nouvelle). France Télévisions et ses chaînes pourraient-elles quitter le réseau social? «C’est un dilemme», a répondu Delphine Ernotte. «Les possibilités ouvertes par l’intelligence artificielle pour générer, à un rythme industriel, de fausses images et vidéos sont vertigineuses. Dans le capharnaüm qui s’annonce, nos médias nationaux, régulés, sont des boussoles», a-t-elle fait valoir. Par ailleurs, pour la patronne de France Télévision, les réseaux sociaux ne sont plus la place publique où les voix de chacun étaient exposées uniformément. «Demain, ceux qui auront payé verront leurs contenus mis en avant, les autres seront perdus dans les algorithmes. La libération du débat public amenée par les réseaux sociaux à leur création se transforme finalement en une logique purement commerciale». Et cette «bataille» de «visibilité» sera perdue «si la discrimination se fait uniquement par l’argent», a observé amèrement Delphine Ernotte.