C’est donc au-dessus d’un parking, où est installé le stade de l’Université de San Diego, que Kevin Mayer a mis un nouveau coup de frein à son objectif olympique, dans l’indifférence d’un petit meeting universitaire ensoleillé. Touché au «grand adducteur côté droit» selon son propre diagnostic, le Français âgé de 32 ans a dit stop lors du saut en hauteur, quatrième des dix épreuves du décathlon.

La qualification pour les Jeux (8460 points) ne devrait être qu’une formalité pour le recordman du monde de la discipline (9126 en 2018). Mais après son abandon aux Mondiaux de Budapest l’été dernier, Mayer n’a pas terminé un décathlon depuis son titre mondial à Eugene (Oregon, États-Unis) en juillet 2022, et doit absolument valider les minima avant le 30 juin. Ce ne sera finalement pas à San Diego, où le double vice-champion olympique a de nouveau été lâché par son corps. «Il avait plus de choses à perdre qu’à gagner. Il va se soigner rapidement et repartir sur un nouveau décathlon», a assuré le patron de l’équipe de France Romain Barras, justifiant la prudence de Mayer.

Après une première alerte dans la matinée au genou gauche lors de l’échauffement à la longueur, c’est finalement une gêne au grand adducteur côté droit contractée après son arrivée aux États-Unis le 5 mars qui l’a empêché de passer une barre à la hauteur. Mayer, bandé à la cuisse droite, après deux courses d’élan mal assurées, et un conciliabule avec son entourage, a préféré dire stop. Malgré cette «contracture de fatigue» qu’il espère faire partir «en dix jours», le Français garde une confiance totale pour les Jeux de Paris. «Je ne suis pas inquiet pour me qualifier. C’est le décathlon, on est tous pétés (blessés) (…) Je suis devenu mon propre coach, mon propre préparateur physique, je suis un peu mon préparateur mental aussi, il faut que j’apprenne à être plus indulgent avec moi-même», a-t-il expliqué aux quelques médias français présents sur place, avec un sourire vite retrouvé. «Je me vois complètement dans un Stade de France rempli le jour J, ne vous en faites pas. (La qualification) c’est le plus petit de mes problèmes. Le jour où je serai sur la piste du Stade de France, je peux vous dire que ce sera un plaisir énorme.»

A San Diego, dans un stade quasi désert pour un meeting universitaire à l’organisation brinquebalante, qui fait le charme de l’athlétisme, le double champion du monde du décathlon avait attaqué de manière correcte sa journée sur 100 m en 10 sec 75, sa «meilleure rentrée». Il avait ensuite connu une première alerte lors de l’échauffement de la longueur, avec une légère torsion au genou gauche à cause de la perte de pointes situées sous sa chaussure. Frustré par sa marque de 7,07 m, il s’est montré brillant au lancer du poids, expédié à 16,10 m (d’après la marque officielle, malgré l’annonce de la juge de 16,12 m entendue par toute l’assistance) d’un cri libérateur, pour son meilleur jet depuis trois ans.

«Je sais que j’ai les Jeux en tête depuis deux ans, et que le jour des Jeux, j’aurai les jambes en feu. Je ne peux pas demander à mon cerveau de faire pareil pour des minima», a-t-il tenu à rassurer une nouvelle fois. Après avoir renoncé à un décathlon en Australie en décembre et l’abandon à San Diego, la tête de gondole de l’athlétisme français devrait aller chercher son ticket olympique en Europe au printemps. Mayer a pris l’habitude des qualifications olympiques pressées par le temps comme en 2012 (obtenue début juillet un mois avant les JO après trois abandons) et en 2016 (obtenue fin mai).