Sufjan Stevens, côté intimiste

Le dernier album de ce quadragénaire américain, The Ascension, remonte à l’année 2020 mais le sommet du songwriter est considéré comme étant l’album Carrie

La production de l’album est proprement extraordinaire, à la fois limpide et fouillée, dépouillée et foisonnante. L’homme aborde ici le versant le plus intimiste de son inspiration. Sa voix si touchante exprime avec beaucoup de délicatesse la gravité du propos. Javelin appartient à la catégorie des albums de deuil. Le musicien a perdu son compagnon avant d’écrire ces chansons cathartiques. Chacune est marquée par une grande pudeur, dessinant l’autoportrait d’un grand sensible. Guitare, piano, textures électroniques légères, les arrangements soignés sont tous au service d’une superbe collection de chansons.

Riche d’une discographie variée, Stevens ramasse ici le meilleur de ses 25 dernières années de création. Jamais un de ses albums n’avait montré autant d’ampleur. On pense parfois au son des grands disques américains des années 1970 gravés dans de luxuriants studios, alors que l’auteur-compositeur a assemblé ces titres chez lui avec le concours de très proches amis. Parmi lesquels on trouve Bryce Dessner de The National aux guitares. L’album se referme sur une reprise phénoménale de There’s A World de Neil Young, bien meilleure que l’originale sortie en 1972 sur l’album Harvest.

Sufjan Stevens, «Javelin», Asthmatic Kitty/Modulor

La Canadienne de génie poursuit l’exploration de ses archives, glanées au fil d’une discographie éblouissante, amorcée en 1968. Après deux premiers volumes intéressants, ce troisième volet se penche sur les plus belles années de la musicienne : celles pendant lesquelles elle était sur le label Asylum, fondé par le mogul David Geffen. Une période marquée à la fois par des tubes et par une folle créativité. Le style de la jeune femme est alors en pleine mutation : elle délaisse peu à peu les rives du folk de ses débuts pour aborder des arrangements plus ambitieux, aux confins du jazz. Riche de 96 titres, ce coffret permet de suivre les développements de la compositrice de près. Son génie est à l’œuvre sur des pièces farouchement personnelles et originales. On est loin de l’académisme de son premier chef-d’œuvre Blue.

Les maquettes de chanson dévoilent la profonde originalité de l’écriture de cette pionnière. Les enregistrements live révèlent la force de son interprétation. Inédite, une séance de studio la voit jouer son classique Raised on Robbery avec Neil Young et les Santa Monica Flyers occupés alors à graver Tonight’s The Night. Ailleurs,on entend les voix de Crosby et Nash, piliers du supergroupe qui avait fait de la chanson Woodstock un hymne générationnel. On retrouve aussi plusieurs versions du titre «Edith

Un coffret 5 CD ou 4 LP (Reprise/Warner)