«La Cour ne voit (…) aucune raison de se départir du raisonnement des juridictions (françaises) dans la mesure» notamment, où la CEDH «n’a jamais reconnu l’existence d’un droit général et inconditionnel des enfants à hériter d’une partie des biens de leurs parents», indique la Cour dans son arrêt, rendu à l’unanimité des sept juges. Cette décision fait suite à la contestation de Jean-Michel Jarre et sa sœur concernant les décisions de la justice française les privant de l’héritage de leur père, le compositeur Maurice Jarre.
Selon la CEDH, les tribunaux français ont «vérifié que les requérants ne se trouvaient pas dans une situation de précarité économique ou de besoin», poursuit la juridiction basée à Strasbourg, qui donne raison à la justice française. Celle-ci avait estimé que Maurice Jarre avait le droit de déshériter Jean-Michel Jarre, 75 ans, et sa sœur Stéphanie, 58 ans.
Installé aux États-Unis au milieu des années 1960, lauréat de trois Oscars pour la composition des musiques des films Lawrence d’Arabie, Docteur Jivago et La route des Indes et décédé en 2009, Maurice Jarre avait légué tous ses biens à sa dernière épouse, Fui Fong Khong, via un «family trust», structure juridique prévue par le droit californien, ce que les deux requérants avaient, en vain, contesté devant les tribunaux français.
En droit français, on ne peut théoriquement pas déshériter un de ses enfants, en vertu du principe de «réserve héréditaire» qui n’existe pas dans le droit californien. Mais dans le cas Jarre, la Cour de cassation avait estimé en 2017 qu’ignorer cette «réserve héréditaire» n’était «pas en soi contraire à l’ordre public international français». En clair : ce n’est pas un principe forcément incontournable selon la plus haute juridiction française. Dans les faits, celle-ci avait estimé que la loi hexagonale n’avait pas à s’imposer à celle de Californie.
La CEDH estime que les juridictions françaises ont «respecté la liberté testamentaire du défunt» dont la volonté traduisait une démarche «continue et bien définie de faire bénéficier son conjoint survivant de l’intégralité de ses biens», sans «intention frauduleuse».
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«La CEDH valide la liberté testamentaire du défunt qui a soustrait sa succession à la loi française. Est ainsi close la saga contentieuse de la succession internationale de Maurice Jarre (en écho à d’autres successions célèbres, dont celle de Johnny Hallyday…)», a commenté sur le réseau social X le juriste Nicolas Hervieu, spécialiste du droit européen.
La succession contestée de Maurice Jarre était apparue au grand jour au début de la bataille judiciaire autour de l’héritage de Johnny Hallyday, entre sa veuve et les deux aînés de la rock star qui contestent le testament américain de leur père les ayant déshérités en vertu de la loi californienne.
Dans une affaire similaire à celle de la succession Jarre, la CEDH a également débouté jeudi trois enfants de Michel Colombier, arrangeur de Serge Gainsbourg ou Madonna, mort en 2004 et qui avait lui aussi organisé sa succession via un «family trust» américain, les excluant de son héritage. Les deux requêtes, introduites en 2018, constituaient un thème «inédit» pour la CEDH, avait alors précisé un porte-parole.