L’Assemblée nationale a adopté dans l’urgence jeudi la prolongation jusqu’à fin 2024 d’une dérogation qui permet d’utiliser les tickets restaurants pour acheter tous les produits alimentaires, même ceux qui ne sont pas directement consommables, dans un contexte d’inflation toujours élevée.
Ce vote de l’Assemblée (117 pour, 1 contre) devra encore être confirmé au Sénat. Cette dérogation, permise par une loi en 2022 sur le pouvoir d’achat, va prendre fin au 31 décembre 2023, sauf adoption d’un texte par les parlementaires, qui ont tiré la sonnette d’alarme. Elle permet à quelque 5,4 millions de salariés en France d’utiliser leurs «tickets resto» pour acheter en rayons des produits non consommables devant être préparés (farine, pâtes, riz, viande, etc…).
«Un coup de pouce utile pour le pouvoir d’achat de millions de salariés et leur famille», a tweeté ce jeudi matin la ministre du Commerce, Olivia Grégoire.
La ministre et les députés de la majorité qui ont déposé le texte ont en revanche alerté contre un élargissement plus large ou une dérogation plus longue. Reconnaissant que l’Assemblée légiférait «dans l’urgence» à environ un mois de l’extinction de la dérogation, le président de la commission des Affaires économiques Guillaume Kasbarian (Renaissance) a appelé à adopter le texte en l’état pour trouver un accord rapide au Sénat.
Si les oppositions ont largement adopté la mesure, elles ont toutes déploré une réaction tardive. Thibault Bazin (LR) a même dénoncé une «tentative de réécriture de l’Histoire» du gouvernement, favorable à la mesure alors qu’il n’a pas proposé de l’inclure dans son projet de budget 2024.
Benjamin Lucas (groupe écologiste) a fustigé un «amateurisme» du gouvernement «à chaque fois pris de court». «Vous parvenez à nous présenter (cette dérogation) comme un cadeau, mais les tickets-restaurants ne sont pas un cadeau», a tonné Sophia Chikirou (LFI), arguant qu’ils étaient financés en partie par les salariés, et critiquant les commissions perçues par les entreprises gestionnaires.
L’Assemblée a repoussé les amendements de la gauche ou du RN visant à prolonger ou pérenniser la dérogation. Olivia Grégoire a promis une discussion au «premier semestre 2024» pour une réforme plus large du titre-restaurant. Les restaurateurs s’inquiètent notamment d’un basculement encore plus important de l’utilisation de ces tickets vers la grande distribution, à leur détriment. Pérenniser l’utilisation pour faire ses courses alimentaires risquerait de causer la perte du dispositif, a alerté mardi la commission nationale des titres-restaurant, organisme paritaire qui supervise ce moyen de paiement.