Une grève aux airs de chant du cygne pour les contrôleurs aériens français. Plusieurs organisations syndicales minoritaires du secteur, parmi lesquelles Force ouvrière et la CGT, ont déposé un préavis de grève visant la journée de lundi 20 novembre. La Direction générale de l’aviation civile (DGAC), l’administration qui encadre le trafic aérien, a annoncé qu’un quart des vols seront annulés depuis les aéroports de Paris-Orly et de Toulouse-Blagnac, ainsi que 20% des vols au départ de Bordeaux Mérignac et Marseille-Provence. «En dépit de ces mesures préventives, des perturbations et des retards sont néanmoins à prévoir», indique la DGAC, conseillant aux «passagers qui le peuvent à reporter leur voyage et à s’informer auprès de leur compagnie aérienne pour connaître l’état de leur vol».
Le débrayage interviendra quelques jours après l’adoption, mercredi soir, d’une proposition de loi visant à créer un «service minimum adapté» dans cette profession particulièrement sujette à la grève. Entre 2004 et 2016, les contrôleurs aériens français ont accumulé 254 jours de grève, selon un rapport sénatorial publié en juin 2018. De quoi hisser notre pays au rang de champion européen invétéré des grèves dans le secteur, loin devant le dauphin grec et ses 46 jours de grève sur la même période.
Contrairement à ce qui a cours aujourd’hui, la proposition de loi adoptée par le Parlement oblige les contrôleurs à se déclarer gréviste à titre individuel lorsqu’un syndicat dépose un préavis. En l’absence d’informations exactes sur l’ampleur de la participation au mouvement, la DGAC recourt quasi systématiquement au service minimum auquel elle est tenue par la loi. Pour assurer les 50% du trafic prévus dans le cadre de ce service minimum, la DGAC se retrouve contrainte de supprimer des vols à titre préventif, sans connaître exactement l’ampleur du mouvement social. Comme elle le fait encore – et sans doute pour la dernière fois – à l’occasion de la grève de lundi prochain.
Le gouvernement a soutenu la proposition de loi du sénateur centriste Vincent Capo-Canellas, adoptée mercredi. Le ministre des Transports, Clément Beaune, a salué un texte «protecteur et d’équilibre» qui mettra fin «à un système asymétrique» à l’origine d’une «désorganisation du service public». Le sénateur, quant à lui, se félicite du fait que «le trafic aérien sera proportionné au nombre de grévistes, ce qui garantit un dialogue social fondé sur la mobilisation ou non des salariés». Il estime, en outre, qu’il ne s’agit pas d’une «restriction au droit de grève», comme le suggèrent les syndicats grévistes. Vincent Capo-Canellas en veut d’ailleurs pour preuve le soutien sans ambiguïté du principal syndicat des contrôleurs aériens, le SNCTA (Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien).
Les débrayages en série des centrales syndicales coutumières du fait (Force ouvrière, CGT, SUD) lors de la réforme des retraites avaient suscité l’ire des compagnies aériennes et de leurs passagers. Le président-directeur général de Ryanair, Michael O’Leary, qui n’a pas sa langue dans sa poche, voyait dans ces perturbations récurrentes une entrave à «la liberté de déplacement». Une analyse partagée par plus de 1,8 million d’internautes qui ont signé une pétition en ligne destinée à la commission européenne pour lutter contre le système de contrôle aérien français. Le coup de gueule de Ryanair est symptomatique du ras-le-bol de tout un secteur vis-à-vis de cette «gréviculture» au sein du contrôle aérien français qui mine l’économie du ciel.