Êtes-vous plutôt «diplomate», «entreprenant» ou «introverti»? Sur internet, trouver la réponse est devenu chose aisée et sur les comptes Twitter ou Instagram des plus jeunes fleurissent en description les sigles «ISJF», «INFP» ou «ESJT». Ces mystérieuses lettres désignent le résultat obtenu auprès d’un populaire test de personnalité : le MBTI (pour le nom de sa cocréatrice Myers Briggs et les termes Type Indicator).

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Ledit test propose aux internautes d’évaluer, en moins de 12 minutes, à quelle catégorie de personnes ils appartiennent parmi les familles diplomates, explorateurs, analystes et sentinelles. Une fois la catégorie obtenue, les traits caractériels dominants et auxiliaires de l’internaute sont résumés en quatre lettres. Par exemple, la personnalité INFJ désigne les personnes «idéalistes, calmes et mystiques» chez les diplomates.

Et ce test, comme bien d’autres quiz du même acabit, connaît un succès grandissant. Sur les réseaux sociaux, en effet, les adeptes des tests en questions nourrissent d’analyses photos et vidéos les résultats. Rien que sur TikTok, le hashtag «mbtipersonality» atteint à lui seul 3,6 milliards de vues, tandis que celui «personality test» dépasse le milliard de visionnages. Sur Instagram également, ce même tag cumule plus de 124.000 publications.

Fini donc le simple questionnaire froid. Une fois son test réalisé en ligne, l’internaute peut rejoindre une communauté qui correspond à son résultat. «Je ne prends pas ces tests au pied de la lettre mais ça me permet de connaître des personnages de fiction qui ont des réactions similaires aux miennes et de m’identifier à eux», témoigne Sharow, 21 ans, la mention «ESFJ» affichée dans sa bio Twitter.

La jeune femme se sert, par exemple, du forum personality-database.com qui classe les célébrités, fictives ou réelles, en fonction des catégories du MBTI test. L’application permet surtout aux adeptes du test d’échanger avec les personnes qui ont obtenu un résultat similaire ou compatible avec le leur, dans l’objectif de nouer de «nouvelles amitiés», assure-t-elle.

Lancée en 2021, cette application propose également des abonnements à 8 euros le mois ou 6 euros la semaine pour obtenir des fonctionnalités complémentaires. Et d’autres applications du même type surfent sur la tendance, comme Personality Match ou Personality Trait Test. Cette dernière, téléchargée plus d’un million de fois sur le Play Store d’Android, offre aux utilisateurs la possibilité de répondre en dix minutes à un questionnaire pour évaluer son potentiel et sa carrière idéale, sur la base de « recherches et théories scientifiques».

«Ces tests viennent remplacer des moyens de socialisation comme l’église ou les structures de quartiers qui jouaient se rôle auparavant», remarque Anne-Laure Le Cunff, chercheuse en neurosciences et fondatrice du Ness Labs. «Le contexte anxiogène provoque un besoin d’appartenance, de normalisation et d’affirmation de soi, notamment des jeunes», ajoute Stéphanie Laporte, fondatrice de l’agence Otta.

Depuis la pandémie, ce succès peut être associé à l’émergence du marché du développement personnel, qui comprend toutes les activités visant à mieux se connaître et à se valoriser. « Ce marché connaît un boom et ces tests de personnalités s’ancrent dans ce mouvement», confirme la chercheuse Anne-Laure Cunff. Selon le site GlobeNewswire, ledit marché du développement personnel, évalué à près de 41 milliards de dollars dans le monde en 2021, devrait croître annuellement de 5,5 %, pour atteindre les 67 milliards de dollars en 2030.

« Cette tendance devient dangereuse lorsqu’elle sert à prendre des décisions importantes, comme des choix de métiers ou de vie», rappelle toutefois Anne-Laure Le Cunff. La chercheuse en neurosciences déplore l’usage de ces quiz, utilisés bien avant leur succès sur internet, par les entreprises pour trier leurs candidats. « Ces tests servent de moyen pour justifier des décisions de ressources humaines mais c’est dommage car ils ne sont pas fiables scientifiquement», poursuit-elle.

Loin d’être laissé de côté par les recruteurs, le marché spécifique des tests de personnalités se porte à merveille. Estimé à 7 millions de dollars en 2021, il pourrait atteindre les 16 millions en 2028 avec une croissance de 12,1 %, rapporte le site The Insight Partners. Ne reste plus qu’à découvrir si, dans le futur, les candidats prendront soin de préciser la catégorie de personnalité à laquelle ils appartiennent sur leur CV.