Après la fin de la quatrième et dernière saison de Sex Education diffusée cet automne sur Netflix, cette série peut-elle être utile pour l’éducation sexuelle des jeunes ? Réponse avec un médecin, spécialiste du sujet. Dans la série, le jeune Otis et sa camarade Maeve montent un cabinet clandestin de consultation en sexologie dans leur lycée. Le cabinet prend place dans des toilettes désaffectées de l’établissement scolaire et voit défiler des adolescents qui se questionnent sur leur sexualité car ils ne trouvent pas de réponses auprès des adultes. « Pour Otis, difficile de parler du sujet avec sa mère car elle est sexologue. Elle est trop proche et le sujet trop intime », commente le Dr Didier Lauru, psychiatre et auteur de nombreux ouvrages sur la sexualité des adolescents. Comment cette série britannique a-t-elle modifié notre vision de la sexualité adolescente ?

« Les premières fois peuvent être angoissantes car il faut sauter dans l’inconnu. Éprouver un désir et être l’objet du désir pour quelqu’un est nouveau », explique le Dr Didier Lauru. À la différence des cours d’éducation sexuelle qui traitent davantage des risques sanitaires liés à la sexualité, cette série aborde la diversité des composantes du sujet pendant l’adolescence. Le sentiment, l’attachement, la décision, le respect de soi et des autres, le consentement y sont abordés. Lorsqu’Otis n’arrive pas à se masturber, contrairement aux autres lycéens, c’est la charge de l’obligation sexuelle qui est questionnée. L’éducation à la sexualité des adolescents est complexe car elle doit s’adapter à la diversité des besoins et des situations individuelles de chaque jeune. « Ce qui est en jeu, c’est l’expérience subjective de chacun. Le rapport à l’autre, au corps de l’autre et à son propre corps. Le rapport amoureux ou sexuel », précise le Dr Lauru.

Certains parents peuvent s’interroger sur l’intérêt d’aborder ces sujets dans des fictions destinées aux jeunes, mais une étude publiée dans la revue BMJ Open en 2021 par des chercheurs français montre que ces séries peuvent avoir un rôle d’information utile. Les auteurs ont analysé des séries Netflix destinées aux adolescents et y ont observé des messages de protection en matière de santé sexuelle, principalement sur le harcèlement et les violences, la protection contre les infections sexuellement transmissibles et la contraception.

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Dans Sex Education, la mère d’Otis, jouée par Gillian Anderson, est sexologue mais son fils est incapable d’aborder les sujets liés à la sexualité avec elle. «Les parents sont trop proches sur des questions intimes, il existe différentes gênes pour un adolescent à en parler aux parents», précise le Dr Didier Lauru. Et côté collège et lycée, l’enseignement de la sexualité se limite généralement aux risques de tomber enceinte et d’attraper une infection sexuellement transmissible (IST). La plupart des élèves sortiront du secondaire avec au moins une séance d’éducation au sujet. Ces séances doivent faire travailler ensemble les acteurs de l’éducation (toutes les disciplines et tous les acteurs de l’école sont mobilisés dans le texte), néanmoins l’école est peu habituée et peine à mettre en place des actions sur le long cours. « Les adultes et les enseignants de l’Éducation nationale doivent s’y mettre », juge Didier Lauru.

Faute de pouvoir parler de l’intime avec leurs parents ou par curiosité, certains jeunes se tournent vers des vidéos pornographiques. Une étude Ifop de 2017 montre qu’en 2013, 37% des adolescents entre 15 et 17 ans disaient avoir déjà consulté un site pornographique, et la proportion a grimpé à 53% en 2021 malgré les interdictions de tels sites aux mineurs. En 2017, 55% des adolescents ayant vu une vidéo pornographique reconnaissaient qu’ils étaient trop jeunes pour regarder ces vidéos.

La pornographie ne peut absolument pas remplacer le manque d’information des adolescents, car « il n’y a que de la performance dans les pornos, avec des figures imposées. Il faut préciser aux adolescents qu’il ne faut pas faire comme ça », avertit le Dr Didier Lauru. Les vidéos pornographiques montrent une sexualité stéréotypée ne laissant pas de place aux sentiments, à l’attachement, au plaisir, ou même au consentement. « Avant d’avoir un rapport sexuel à deux il faut s’en parler. Parler avec son partenaire. Ne pas lui imposer quelque chose dont il n’a pas envie, il faut vérifier le consentement de l’autre », rappelle Didier Lauru.

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« Ce qui est intéressant dans la série, c’est que l’adulte est un relais qui aide les plus jeunes à faire le passage », signale Didier Lauru. Néanmoins, l’univers de la série manque « de personnages qui recherchent seulement le rapport amoureux, ainsi que d’un personnage féminin plus posé. Néanmoins on peut conseiller la série aux ados. Ce n’est pas trop vulgaire, les scènes ne sont pas trop choquantes » estime Didier Lauru. La plateforme indique que la série est réservée aux plus de 16 ans. Pour des informations sérieuses et fiables, le Dr Lauru conseille le site https://www.filsantejeunes.com/ qui met à disposition gratuitement des fiches, un forum et des interlocuteurs.