Le Metropolitan Opera de New York a été condamné, en février, à verser 200 000 dollars de dédommagement à Anna Netrebko, lors d’un arbitrage selon le New York Times . La soprano russo-autrichienne estimait que l’institution new-yorkaise était «coupable d’entrave à la liberté du travail.» Treize représentations, dont La forza del destino, Don Carlo ou encore Andrea Chénier, ont été annulées en raison du soutien de la proximité de la chanteuse avec Vladimir Poutine. Anna Netrebko a quant à elle été condamnée à payer 30 000 dollars d’amende pour des propos «hautement inappropriés» après l’invasion de l’Ukraine. Elle avait partagé sur les réseaux sociaux que ceux qui la critiquaient étaient «aussi maléfiques que les agresseurs aveugles».
«Il ne fait aucun doute qu’Anna Netrebko fut un soutien de Poutine, comme elle avait le droit de l’être», estime ainsi l’arbitre du travail qui a examiné l’affaire, Howard C. Edelman. Il ajoute que ce soutien manifeste à Vladimir Poutine n’était pas «une turpitude morale, ni un acte qui méritait une sanction en soi». Les contrats du Met prévoient la clause «pay or play», obligeant l’institution à dédommager les artistes dont les représentations sont annulées. La chanteuse demandait à toucher 400 000 dollars d’honoraires. Une somme abaissée à 200 000 dollars car, selon Howard C. Edelman, une partie des contrats n’avaient pas été signés. Entre autres pour des rôles principaux dans Manon Lescaut et Tosca de Puccini, ainsi que dans Macbeth de Verdi et La Dame de Pique de Tchaïkovski.
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De son côté, la direction de l’institution lyrique a défendu que l’attitude d’Anna Netrebko constituait une «violation de la clause de conduite» et qu’elle ne donnait dès lors pas droit à un dédommagement. «Bien que nos contrats prévoient le principe du « pay or play », nous avons estimé qu’il n’était pas moralement justifié de payer quoi que ce soit à Anna Netrebko, compte tenu de ses liens étroits avec Vladimir Poutine, a déclaré Peter Gelb, directeur général du Met, selon le New York Times. C’est une perte artistique pour le Met qu’elle ne chante pas ici. Mais il est impossible que le Met ou la majorité de son public tolère sa présence».
Sam Wheeler, directeur exécutif national de l’American Guild of Musical Artists, le syndicat qui représentait la chanteuse lors de l’arbitrage, a salué le dédommagement exigé au Met. Selon l’organisation, cette décision contribue à protéger les droits des artistes cherchant à obtenir une compensation pour des engagements annulés. «Aux États-Unis, le principe du « pay-or-play » est le fondement de nos conventions collectives», a-t-il déclaré dans un communiqué.
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Anna Netrebko, qui comptait parmi les artistes les plus demandés sur les scènes d’opéras avant l’invasion de l’Ukraine, a vu de nombreux engagements annulés sur les scènes occidentales. Ce mois-ci encore, à Taïwan, un concert a été annulé à la dernière minute en raison de préoccupations concernant ses liens avec Vladimir Poutine. En 2012, Anna Netrebko avait soutenu la candidature de Vladimir Poutine et s’était depuis exprimée en termes élogieux à son sujet, notamment au moment de l’invasion de la Crimée. Si de nombreux artistes russes ont manifesté leur désapprobation après le début des opérations en 2022, Poutine a conservé de notables soutiens dans le monde de la musique et de la danse, central en Russie, où il dispose d’importants relais, notamment à travers les financements d’institutions culturelles par les oligarques. Le chef Valery Gergiev, qui fait et défait les carrières en Russie, est de ceux-là et il a vu, comme Anna Netrebko, l’annulation de la quasi-totalité de ses engagements sur les scènes occidentales.
Semaine après semaine, Anna Netrebko a cependant cherché à prendre ses distances avec le pouvoir russe. Elle a d’abord déclaré n’avoir «rencontré Vladimir Poutine qu’à quelques reprises» et assuré n’être «pas proche de son gouvernement», bien qu’elle n’ait employé depuis que des formules alambiquées sur le conflit en cours. Dans le même temps, la chanteuse a vu certains de ses engagements annulés en Russie et d’autres renouvelés en Europe, en Italie par exemple.
Aux États-Unis, où le poids – et la voix – des mécènes est capital dans les budgets des scènes lyriques, l’affaire est loin d’être terminée. Vendredi, le Met a annoncé qu’il se passerait des services de Yusif Eyvazov, le partenaire à la ville, et souvent sur scène, d’Anna Netrebko. Parmi les griefs retenus contre lui, Peter Gelb rappelle les prises de position de Yusif Eyvazov dans une polémique touchant sa moitié. Sur la scène de Vérone en 2022, Anna Netrebko était apparue avec un maquillage sombre, trop sombre au goût de la soprano Angel Blue qui avait dénoncé un «black face» «offensant, humiliant et raciste». Selon le New York Times, le directeur général du Met a également expliqué ne pas vouloir manquer de respect à la soprano ukrainienne Liudmyla Monastyrska, qui interprétera le rôle de Tosca lors de quatre représentations.