Il y a du nouveau derrière les blocs épais et quatre fois millénaires de la tombe du roi Kheops. Sept ans après avoir découvert l’existence de cavités inconnues cachées dans les profondeurs de la grande pyramide de Gizeh, face au Caire, les scientifiques du projet international ScanPyramids livrent un premier aperçu de cet espace tant fantasmé. Située derrière l’entrée de la face nord du monument, au-dessus de la grande galerie, le corridor en question ne dissimulait rien d’inattendu. Pas de momie en embuscade ni de trésors insoupçonnés. Elle n’en reste pas moins fabuleuse aux yeux des spécialistes.
Cet espace de deux mètres de large, sous chevrons, s’étire sur près de neuf mètres. Il a pu être inspecté le 24 février, grâce à une minuscule ouverture détectée au radar dans la jointure des chevrons de l’entrée. Faute d’y passer une tête, les chercheurs ont employé un endoscope d’un diamètre de cinq millimètres pour obtenir un aperçu de cet espace dissimulé depuis la construction du monument.
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De quelle utilité était ce corridor aveugle ? Si la piste d’un espace de décharge censé répartir la masse au-dessus de l’entrée principale de la pyramide est avancée par les autorités égyptiennes, les scientifiques du projet ScanPyramids se gardent bien de trancher. Leur intérêt est ailleurs : l’existence désormais avérée de cet espace prouve ce que leurs instruments avaient détecté en 2016, grâce au principe de la radiographie par muons.
Développée par des équipes japonaises de l’université de Nagoya et du centre de recherche KEK, cette technique consiste à capter des particules élémentaires sensibles aux corps qu’elles traversent. Son emploi a permis d’identifier deux espaces jusqu’alors inconnus à l’intérieur de la grande pyramide : le corridor de la face nord (NFC), situé près de l’entrée, ainsi qu’un «grand vide» (surnommé SP-BV), d’un diamètre d’au moins trente mètres et qui se trouverait plusieurs mètres au-dessus de la grande galerie.
D’après les images captées à l’endoscope, le corridor inspecté en février par l’équipe de ScanPyramids ne paraît pas être relié au «grand vide». «Un couloir plus petit, de moins d’un mètre, entre ces deux structures ne peut cependant pas être complètement exclu à partir de ces mesures», notent cependant les 36 chercheurs associés à la mission ScanPyramids dans un article paru jeudi dans la revue scientifique Nature Communications . Les travaux, décidément, ne sont pas près de s’achever. «Nous allons poursuivre notre campagne de scans (…) et déterminer ce que nous pouvons découvrir à l’extrémité ou en dessous du corridor», a déclaré jeudi le responsable du Conseil suprême des Antiquités, Mostafa Waziri, lors d’une conférence de presse donnée aux pieds des pyramides.
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Lancée en 2015 sous l’égide du ministère égyptien des Antiquités nationales, la mission scientifique ScanPyramids associe l’université du Caire avec l’Institut français HIP, soutenu notamment par Dassault Systèmes. Depuis, cette collaboration archéologique et scientifique s’est élargie et compte désormais dans ses rangs le CNRS, l’université technique de Munich ou encore l’université canadienne de Laval. Ces différents partenaires ont été réunis en 2019 au sein d’un comité scientifique dirigé par Zahi Hawass.
À terme, l’identification et l’étude de ces nouveaux espaces de la grande pyramide pourraient permettre de mieux saisir les dernières énigmes de sa construction. Plusieurs hypothèses concurrentes existent sur ce problème architectural, qui pourrait avoir été résolu par des systèmes de rampes externes ou internes, voire par un mélange des deux. Le monument édifié vers 2560 avant notre ère, à l’époque de l’Ancien Empire égyptien, est longtemps resté plusieurs millénaires la structure humaine la plus haute jamais construite. Et ses mystères irrésolus, sont parmi les plus impénétrables.
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