Les œuvres pillées conservées par le Metropolitan Museum de New York (Met) ne se compteraient pas par dizaines mais par milliers. D’après une nouvelle enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) publiée lundi, le prestigieux musée new-yorkais conserverait entre ses murs une large collection d’objets ayant fait l’objet d’un trafic d’art illicite. Selon le décompte des journalistes, qui ont passé en revue le catalogue intégral des œuvres du musée, il s’agit de 1109 biens.
Parmi ces objets, «plus de 150 pièces de la collection d’antiquités du Met sont passées entre les mains d’une douzaine d’autres personnes ou galeries chez qui les procureurs ont saisi des œuvres antiques volées», indique l’enquête de l’ICIJ, réalisée en collaboration avec plusieurs ONG et médias. Les collections de certains départements du musée apparaissent ainsi particulièrement sous-documentées et suspectes, à l’instar des antiquités cachemiries et népalaises. Sur les 250 objets du Cachemire et du Népal, seuls trois objets peuvent se targuer d’une documentation précise qui retrace leur parcours.
Malgré l’attention affichée de la direction du Met pour la recherche de provenance, «moins de la moitié» des 1109 œuvres au parcours problématique seraient correctement tracées. Or, l’absence de contexte documenté de sortie des objets de leurs pays pose la question de la légalité de leur exportation, rappelle l’ICIJ. Le consortium précise en outre que 309 objets de la liste seraient toujours exposés dans les galeries du Met.
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Le musée «se donne beaucoup de mal pour s’assurer que toutes les œuvres entrant dans la collection respectent les lois et les politiques strictes en vigueur au moment de l’acquisition», a déclaré le Met dans un communiqué. Comme le rappelle l’enquête de l’ICIJ, Thomas Hoving – directeur du musée entre 1967 et 1977 – n’avait pourtant pas caché dans ses mémoires, publiées en 1994, avoir frayé avec nombre de contrebandiers. Sa méthode consistait à jouer le jeu des pilleurs, quitte à rendre les pièces ainsi acquises en cas de revendications étayées. «C’est notre stratégie», avait assumé Thomas Hoving après une restitution d’œuvres grecques pillées à la Turquie.
«Le Met donne le ton aux musées du monde entier, s’est émue Tess Davis, citée dans l’enquête de l’ICIJ. Directrice de l’ONG Antiquities Coalition, consacrée à la lutte contre le trafic des biens culturels, la spécialiste s’inquiète de signal envoyé par l’établissement. Si le Met laisse tous ces objets passer entre les mailles de son filet, que pouvons-nous espérer du reste du marché de l’art ?». Plusieurs dizaines de pièces du Met ont été saisies au cours de neuf perquisitions ordonnées depuis 2017 – dont six en 2022. La liste des œuvres du musée dans le viseur des autorités ne cesse pourtant de s’allonger. En mars, le quotidien indien Indian Express a publié une liste de 77 objets conservés par le Met et passés entre les mains du trafiquant d’art Subhash Kapoor, qui a été condamnée au début de l’année.