C’est un nouveau salon d’art pour Paris, qui a perdu sa Biennale des antiquaires, lui assurant jadis une place au plus haut niveau. Autres temps, loin des fastes d’antan, autre formule. Fab Paris, qui s’est installé au Grand Palais éphémère, colle à une ère plus sobre, voire plus conventionnelle, remplaçant la magie des décors par l’efficacité commerciale, dans le sillage de la Tefaf Maastricht, en plus petit bien sûr. Le «board» de la manifestation hollandaise, réuni jeudi matin au Café La Pérouse du Musée de la marine, est d’ailleurs venu dans la foulée juger sur pièce de cette deuxième édition de Fab. «On ne va pas réécrire la Biennale, c’est trop tard. Il faut trouver une équation qui marche et celle-là semble bien partie, même si elle doit encore monter en puissance. Laissons-lui le temps», voilà ce que l’on entendait un peu partout, du côté des marchands comme du public, agréablement surpris par la tenue du salon.

Conçue par l’architecte d’intérieur Sylvie Zerat (elle a refait notamment le siège d’Artcurial, au rond-point des Champs-Élysées), la mise en scène sur 9000 m2 est sobre, sans trop de surprise, mais chic. Rien à dire sur l’architecture au cordeau des stands, les allées aérées pour disposer les 110 exposants (soit  25 % par rapport à l’édition 2022 et 41 nouveaux entrants), avec seulement un tiers d’étrangers venant de 12 pays. Dans ce Grand Palais, le salon a évidemment gagné en lumière, par rapport au sous-sol ingrat du Carrousel du Louvre où il se tenait l’an passé. De quoi mieux voir objets et tableaux dans 20 spécialités, de l’archéologie à l’art moderne et contemporain en passant par les tableaux anciens, les arts extra-occidentaux, les livres rares, la joaillerie (portion congrue par rapport à la Biennale d’avant), les arts décoratifs et le design.

L’arrivée du Belge Bernard de Grunne (rares idoles Baguirmi du Tchad avec illustres provenances, entre 15.000 et 70.000 euros, il n’en reste que deux sur neuf à vendre) redore les arts primitifs. Ainsi que Tenzing Asian Art (San Francisco et Hongkong) pour l’art bouddhique himalayen. Mais exit l’art chinois ancien, avec ses terres cuites et ses bronzes anciens que tenait, du temps des fastes de la Biennale, Christian Deydier, président révoqué en 2014. Avec goût, la galerie Luohan s’attaque à la Chine plus récente, celle du XVIIIe siècle avec un ensemble de sièges en noyer sculpté dont un modèle similaire se trouve à la Cité interdite (320.000 euros). Elle voisine avec une sculpture nuage en métal perforé de Heyl Studio (95 000 euros). Mais aucune vente encore même si son directeur, Laurent Colson, dit avoir «noué de bons contacts».

Que dire du nom «Fab», une contraction entre le Salon Fine Arts Paris et la Biennale, appellation pas très vendeuse mais qui finira par entrer dans les esprits? Ce mariage de raison est né d’un rapprochement pour grandir en taille et en notoriété et recréer un événement digne de Paris. D’un côté, il y a Fine Arts Paris, monté par les organisateurs du Salon du dessin, sous la houlette de Louis de Bayser, fils du grand marchand Bruno, maestro du domaine et dont la première édition eut lieu en 2017, au Palais Brongniart. De l’autre, la Biennale déclinante qui n’a plus que le titre, mais assure aux deux une place au Grand Palais éphémère puis au Grand Palais rénové après travaux, en 2024, grâce à son ancienneté dans le calendrier complet sur plusieurs années. La Biennale s’est éteinte progressivement, après avoir été mal gérée par le Syndicat national des antiquaires (SNA), suite à des querelles internes de présidence et de points vues divergents. Notamment au sujet de la présence trop importante des joailliers accusés de faire de l’ombre aux antiquaires, alors qu’ils faisaient venir nombre de riches acheteurs. Du point vu de certains, ce fut une erreur stratégique, sous la présidence de Dominique Chevalier, de 2014 à 2016, qui leur a coûté très cher.

De ce fait, les collectionneurs internationaux ont mis du temps à revenir à la Biennale. Dans sa continuité, Fab n’en comptait pas beaucoup au traditionnel dîner de gala concocté par la maison Caviar Kaspia – 600 personnes contre 1200 au pic du succès de la Biennale au Grand Palais -, lundi soir, dans les allées un peu clairsemées. Il y avait bien tout le gratin parisien, des collectionneurs aux conservateurs et décorateurs (Jacques Garcia ou Jacques Grange parmi les plus connus), mais peu d’étrangers (le Suisse Jean-Claude Gandur a acheté La Vierge de l’Immaculée Conception en terre cuite polychrome du XVIIe siècle chez Sismann). Il faut dire que Paris  par Art Basel, en octobre, suivi de Paris Photo en novembre, les avaient déjà tous attirés en masse. La conjoncture s’est aussi encore dégradée, avec les bombardements de Gaza après les attentats tragiques du Hamas en Israël. Fi aussi des Américains qui sont en plein Thanksgiving.

Les affaires sonnantes et trébuchantes passent pourtant par cette manne d’étrangers qu’il faut absolument faire revenir. Forts de leurs relations, certains marchands ont toutefois bien travaillé. C’est comme d’habitude, inégal selon les uns ou les autres. Mais «les transactions sont en cours», confirme Françoise Livinec, qui espère bien que sa découverte, Le Marin aux volutes de Tristan Corbière – la seule à avoir été exposée, de son vivant, dans la salle à manger de l’Hôtel des bains de mer de Roscoff, au début du XXe siècle, avant d’atterrir vers 1920 au manoir de la Verderie, à Saint-Malo -, rejoigne un musée (90 000 euros).

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Dans les succès, le Français Xavier Eeckhout, référence pour la sculpture animalière, a cédé 13 pièces sur 20, de 5000 à 230.000 euros, dont le bronze Corbeau de 1928 par François Pompon. Le Parisien Éric Dereumaux (galerie RX) a vendu sa bibliothèque en verre grise et blanche de Pascal Convert (200.000 euros) et sa monumentale toile rouge d’Hermann Nitsch de 2021 (135.000 euros). La galerie parisienne Applicat-Prazan, des toiles de Maurice Estève, Alberto Magnelli et Gérard Schneider. Celle, parisienne aussi, la Présidence, un petit Jean Dubuffet (autour de 100.000 euros) et plusieurs masques en bronze d’André Derain. Quant à Loeve