C’était un baptême du feu pour Slawomir Krupa. C’est en effet la première fois que le directeur général de Société générale, en place depuis mai dernier, présente les résultats annuels de la troisième banque française par la capitalisation boursière. Il se savait attendu au tournant. Le 18 septembre, son plan stratégique jusqu’à 2026 avait déçu les investisseurs, au point que le cours de Bourse avait chuté de 12% en une séance.
Or les performances publiées ce jeudi sont en demi-teinte. En 2023, Société générale a dégagé un résultat net de 2,5 milliards d’euros ( 37%, mais après une année 2022 exceptionnelle qui était pénalisée par la sortie de Russie), très loin de ses concurrentes BNP Paribas (près de 11 milliards d’euros) et Crédit agricole (8,25 milliards d’euros). Et surtout ses résultats du quatrième trimestre ont plongé de 60% sur un an. Les revenus ont eux baissé de 7,6%. La rentabilité du groupe sur fonds propres est tombée à 4,2%. «2023 était une année de transition et de transformation», a résumé dans un communiqué Slawomir Krupa
Les activités de banque de détail en France, rassemblant désormais sous la marque SG les ex-réseaux Société générale et Crédit du Nord, ont particulièrement souffert l’an dernier, pénalisées par la hausse des taux d’intérêt. Ses revenus ont encore reculé de 13% en un an. Parce que les taux fixes dominent en France, les portefeuilles de crédit immobilier des banques françaises ne bénéficient pas encore pleinement de la hausse des taux. Seuls les nouveaux prêts accordés sont concernés par le changement. Fait aggravant, la hausse de la rémunération du livret A à 3 % a alourdi le coût de la ressource (les dépôts) utilisée par les banques pour prêter. Mais la banque au logo rouge et noir a surtout été victime l’an dernier d’une mauvaise politique de couverture de taux : au début de l’année 2022, le groupe a en effet décidé de se couvrir, et pour une durée de deux ans, contre une éventuelle… baisse des taux. Or, c’est l’inverse qui s’est passé et le groupe a enregistré une perte aux troisièmes trimestres et quatrième trimestre.
En 2023, les deux nouveaux moteurs de Société générale ont par ailleurs connu des évolutions contrastées : BoursoBank (ex Boursorama), a continué sur sa lancée, atteignant les 5,9 millions de clients. En revanche, sa filiale de crédit-bail automobile Ayvens (ex-ALD Automotive), qui digère sa concurrente Leaseplan achetée en 2022, a calé en fin d’année. Ses revenus ont fondu de 17% au quatrième trimestre. Sur l’ensemble de l’année 2023, ils progressent de 16%.
Le groupe se veut plus optimiste pour 2024. Les enjeux sont importants. En Bourse, Société générale n’est valorisée que 18 milliards d’euros, soit trois fois moins que BNP Paribas. «Cette valorisation ne représente que 27 fois sa valeur comptable», souligne Jérôme Legras, responsable de la recherche chez Axiom AI.
Slawomir Krupa s’active pour tenter de redresser le cours de l’action. «La direction du groupe doit démontrer sa capacité à réduire la structure de coûts et à redresser sa rentabilité de façon pérenne», avance Rafael Quina, senior director de l’agence de notation Fitch Ratings. En présentant son plan stratégique en septembre, le directeur général avait annoncé vouloir réduire les coûts du groupe de 1,7 milliard d’euros au total à l’horizon 2026, dont environ 600 millions dans les seuls services informatiques. Des premières coupes ont été annoncées en début de semaine : 947 postes seront supprimés au siège de Société générale à la Défense, notamment dans l’informatique. 500 millions d’euros au total doivent être économisés en 2024.
Le plan stratégique passe également par une amélioration de la gestion des risques, une allocation plus efficace des capitaux propres et une rationalisation du portefeuille d’activités. La banque a commencé à faire le ménage en Afrique. Elle a annoncé son désengagement du Congo, de Guinée équatoriale, de Mauritanie, du Tchad, du Burkina Faso et encore du Mozambique. Slawomir Krupa serait prêt à multiplier les cessions d’actifs. Des rumeurs vont bon train sur l’avenir du métier de conservation de titres Société générale Securities Services (SGSS), de la filiale Société générale Equipment Finance (SGEF), destinée au financement spécialisé à destination des entreprises, ou encore de la néobanque dédiée aux entrepreneurs Shine, achetée en 2020. Mais ces cessions ne seraient pas faciles à réaliser dans le contexte actuel. Or, les investisseurs s’impatientent…