La Banque centrale européenne (BCE) a relevé jeudi son taux d’intérêt de référence à son plus haut niveau depuis 1999, défiant ceux qui appelaient à une trêve pour ne pas aggraver le ralentissement de l’activité économique en zone euro. Après cette dixième hausse d’affilée depuis juillet 2022, l’institution de Francfort n’a pas explicitement annoncé de pause dans son cycle draconien de resserrement monétaire.
Elle indique dans son communiqué que «le Conseil des gouverneurs considère que les taux d’intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l’inflation au niveau de l’objectif». La présidente de la BCE Christine Lagarde a déclaré que la décision d’augmenter à nouveau les taux directeurs jeudi a été prise à «une solide majorité» du Conseil des gouverneurs, même si certains membres auraient «préféré une pause» dans le cycle de resserrement monétaire. «Évidemment, certains membres n’ont pas tiré la même conclusion, et certains gouverneurs auraient préféré une pause (…) mais je peux vous dire qu’une solide majorité a été d’accord avec cette décision», a-t-elle affirmé, lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion de politique. «Nous ne pouvons pas dire que nous avons atteint le pic» des taux a annoncé Christine Lagarde.
La BCE a choisi de maintenir le cap, quatorze mois après avoir lancé le cycle de relèvement des taux le plus rapide et ample de son histoire, de 4,50 points de pourcentage à ce jour. Une décision qu’elle justifie en affirmant que «si l’inflation continue de ralentir, elle devrait toujours rester trop forte pendant une trop longue période». La BCE a d’ailleurs relevé jeudi ses prévisions d’inflation pour les années 2023 et 2024, en raison de l’impact des prix de l’énergie.
Les nouvelles projections macroéconomiques de l’institution monétaire prévoient une hausse des prix de 5,6% en 2023, puis 3,2% en 2024 et 2,1% en 2025, se rapprochant de l’objectif à moyen terme de 2,0%.
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La BCE faisait face jeudi à un dilemme, rendant sa décision plus incertaine que jamais, car l’activité économique de la zone euro affiche de véritables signes de contraction. Le tour de vis monétaire des derniers mois a entraîné une envolée des coûts d’emprunt pour les ménages et les entreprises, influant sur la demande et donc la distribution de crédit.
Un temps circonscrit au secteur manufacturier, le ralentissement s’est peu à peu propagé à celui des services. L’indice PMI a atteint son plus bas niveau depuis 33 mois, l’activité se contractant à un rythme inédit depuis l’automne 2020 et la première année de la pandémie. La BCE a ainsi abaissé jeudi ses prévisions de croissance en zone euro jusqu’en 2025. Celle-ci ne devrait atteindre que 0,7% en 2023, contre 0,9% attendu auparavant, puis 1,0% en 2024 et 1,5% en 2025.
Ce dilemme entre inflation et croissance a donné lieu à un intense débat entre les banquiers centraux de la zone euro ces dernières semaines. Face à une inflation jugée tenace, le risque de ne pas en faire assez est apparu plus élevé que le risque d’en faire trop, comme le martèlent les «faucons» qui dominent le débat au conseil de la BCE depuis plus d’un an.
L’augmentation des taux de 0,25 point de pourcentage décidée jeudi, comme en juillet, porte le taux de dépôt des liquidités bancaires à la BCE, qui fait référence, à 4,00%, au plus haut depuis la création de la BCE en 1999. Le but de la BCE est de continuer à freiner l’activité économique afin que les entreprises et commerces renoncent à augmenter les prix, et que leurs employés modèrent les revendications salariales, qui ont tendance à entretenir l’inflation.
«La crainte de ne pas maîtriser totalement l’inflation et le risque de s’arrêter trop tôt ont dû être une préoccupation plus importante que le risque croissant de récession dans la zone euro», a commenté Carsten Brzeski, de la banque ING, après la décision. Mais il estime aussi que la BCE a annoncé jeudi «la hausse finale» du cycle de resserrement monétaire.