Les flammes ne finissent plus de se propager. Samedi 15 juillet, les autorités canadiennes ont annoncé que dix millions d’hectares avaient brûlé à l’échelle du pays depuis le début de l’année. Cela représente l’équivalent de la superficie du Portugal. Un triste record, le précédent datant de 1989 avec 7,3 millions d’hectares partis en fumée, d’après les chiffres nationaux du Centre interservices des feux de forêt du Canada (CIFFC).

Deux pompiers sont décédés en combattant ces mégafeux, dont le premier est apparu de manière précoce au début du mois de mai. Lundi 18 juillet, 882 feux étaient toujours actifs dans le pays, dont 579 considérés comme hors de contrôle. Pour l’heure, les feux se concentrent principalement dans la forêt boréale, loin des zones habitées. «On se retrouve cette année avec des chiffres qui sont pires que nos scénarios les plus pessimistes», expliquait à l’AFP samedi 15 juillet, Yan Boulanger chercheur pour le ministère canadien des Ressources naturelles.

Pire encore, le gouvernement canadien indiquait début juillet que «cet été pourrait continuer à être un été très difficile pour les incendies de forêt dans certaines parties du pays» avec un «un potentiel continu d’activité des incendies supérieure à la normale» jusqu’à la fin de la saison des feux en septembre.

Cause de ces incendies depuis mai, un important état de sécheresse dans une large partie du pays dû à des précipitations très en dessous des moyennes de saison, depuis des mois. Ce qui favorise la reprise des feux dans un pays où la majorité des incendies est d’origine naturelle, essentiellement à cause des impacts de foudre.

La végétation manque donc d’eau : elle est dite en «stress hydrique». «Cela crée du carburant illimité pour les flammes», souligne Cyril Bonnefoy, météorologue à La Chaîne Météo*. Heureusement, le dôme de chaleur qui touche actuellement la Californie ne concerne pour l’instant pas le Canada. «Même s’il y a des endroits où il fait plutôt frais, c’est l’été et il ne pleut pas», fait néanmoins remarquer le météorologue. D’après lui, ce dôme de chaleur pourrait remonter sur la Colombie-Britannique – à l’ouest du Canada – d’ici la fin du mois de juillet.

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Sur place, les fronts de flammes font parfois plusieurs kilomètres de large dans des espaces uniquement remplis de végétation et de forêt. «Leur premier problème est d’identifier le départ du feu», constate Éric Florès, chef du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault qui s’est rendu au Québec pendant trois semaines en juin, pour épauler ses homologues canadiens.

Celui-ci explique que les pompiers canadiens peuvent parfois laisser les flammes se propager en les «gardant sous surveillance en vérifiant qu’ils n’attaquent pas les installations ou ne se rapprochent pas trop des vies humaines», car ces feux sont trop complexes à éteindre au vu de leur localisation. Des difficultés d’accès couplées à «plusieurs centaines de départs de feu en une journée», contre une «vingtaine habituellement» au mois de mai.

Désormais, les feux s’étendent à l’ensemble du pays : aucune province n’est épargnée. «Il y a des massifs très chargés en matière végétale qui n’ont jamais connu d’incendies. Cela brûle dans des zones où il n’y a jamais eu de feux», complète Anthony Collin, chercheur à l’Université de Lorraine et spécialiste des incendies.

L’une des principales difficultés réside dans le fonctionnement de tels feux. Concrètement, les flammes des immenses incendies créent des panaches de fumée et des effets de chaleurs. Cette chaleur rencontre un air plus froid présent au sol, poussant la masse d’air vers l’atmosphère. Une dépression interne se produit alors, provoquant des bourrasques de vents. Celles-ci attisent elles-mêmes la propagation des flammes. Le feu s’autonourrit donc sans que les pompiers ne puissent rien y faire. Seul le «combustible» – c’est-à-dire la matière à brûler au sol – n’est pas illimité. «Les flammes peuvent aller jusqu’à 3 km/h, c’est énorme. C’est dix fois plus rapide qu’un feu de récolte classique», décrypte Anthony Collin.

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À tel point que les Canadiens se sont rapidement retrouvés démunis. Début juin, Emmanuel Macron avait annoncé l’envoi d’une «centaine» de pompiers français au Canada. Depuis, ceux-ci s’y relaient. «L’accès terrestre est très complexe, il ne peut quasiment pas y avoir d’attaque au sol», a observé sur place Éric Florès. Les Canadiens attaquent donc les «lisières avec de petites pompes portables», transportées dans des sacs à dos. «La première ville se trouvait à 250 kilomètres de là où on était», se souvient également le pompier français dont la mission consistait à protéger une communauté amérindienne située non loin.

Et les Canadair ? «Ils ne permettent pas d’éteindre des feux trop importants», regrette Éric Florès. «Ils peuvent en revanche créer des sortes de barrières infranchissables pour les flammes grâce à des largages d’eau préventifs», complète pour sa part Anthony Collin. Mais à part cela, «les secours sont un peu démunis, ajoute ce dernier. Malheureusement on est désarmés. Cela dépasse l’Homme».

Alors quelles solutions ? «L’objectif reste d’empêcher les feux naissants de s’élargir», avance Éric Florès. D’après lui, les pompiers canadiens appliquent ce qu’il appelle la «stratégie française». «Cela consiste à attaquer massivement les petits feux dès leur apparition». Pour les mégafeux qui ont déjà pris de l’ampleur, «personne ne sait éteindre ça». «Il n’y a pas de technique particulière.»

Pour espérer voir les feux disparaître, il existe deux possibilités selon le chercheur Anthony Collin. Soit «le front de flammes arrive dans une zone géographique favorable» où l’incendie ne pourra pas se propager, comme un massif rocheux ou la mer, soit «la météo redevient plus clémente». La première hypothèse ne permettra d’éteindre que quelques feux unitairement, mais pas la masse qui ravage encore le pays.

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Le salut pourrait donc bien venir des conditions météorologiques et surtout de la pluie. Selon les spécialistes interrogés, celle-ci pourrait revenir vers septembre ou octobre, tout comme la neige par la suite. «La pluie permettra de repasser sur des incendies de taille humaine, détaille Anthony Collin. Là les services de secours pourront intervenir en les attaquant sur les côtés pour réduire leur intensité». D’ici là, le nombre d’hectares brûlés augmentera fortement sans aucun doute, le gouvernement canadien rappelant sur son site que «le Canada détient la troisième plus grande superficie forestière au monde» avec «près de 362 millions d’hectares».

Il reste donc pour l’heure difficile d’imaginer une extinction totale, tant les forêts sont vastes et les feux puissants. Une crainte demeure toutefois. «Il y a déjà eu des sécheresses qui perduraient à l’automne, surtout sur la côte ouest du Canada», rappelle le météorologue Cyril Bonnefoy. Une nouvelle qui serait catastrophique pour des pompiers déjà éreintés par ces âpres combats contre les flammes.

*La Chaîne Météo est une propriété du groupe Figaro.