Matthieu Metzger est responsable du département défense et sécurité à l’Agence régionale de Santé (ARS) d’Île-de-France. Il était présent à chaque opération Cigogne de rapatriement d’enfants ukrainiens malades de cancer à Paris. À l’occasion de la visite en Ukraine ce vendredi 14 avril du ministre de la Santé, François Braun , notamment pour inaugurer un centre de soins dédié à la chirurgie réparatrice, le responsable revient sur cette aide médicale française.

LE FIGARO. – D’où vient l’opération Cigogne ?

Matthieu METZGER. – Peu de temps après le déclenchement de la guerre en Ukraine, le ministère des Affaires étrangères a engagé la France, notamment par le biais de cette opération. Elle est coordonnée avec l’ensemble des pays européens, dont chacun calibre l’aide qu’il peut apporter.

Le ministère s’est adjoint les services de la Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l’enfant et de l’adolescent (SFCE) pour à la fois mobiliser les acteurs, évaluer les capacités d’accueil d’enfants malades disponibles en France et identifier les patients qui pouvaient être pris en charge selon les plateaux techniques disponibles.

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Combien d’enfants ont pu bénéficier d’un rapatriement ?

Au total, la France a accueilli 40 enfants, dont une vingtaine en Île-de-France. Le premier transfert date du 21 mars 2022. Une vingtaine de jeunes avaient été pris en charge dans des établissements hospitaliers le lendemain. Brigitte Macron et le ministre de la Santé de l’époque étaient présents pour l’occasion. Si cela fait un moment que nous n’avons pas rapatrié d’enfants, nous avons accueilli à Rennes mercredi 12 avril des militaires ukrainiens blessés au combat, mais dans le cadre de l’opération Héron, cette fois.

Comment se sont déroulés les rapatriements ?

Les enfants ukrainiens ont été évacués en Pologne puis réunis par l’association Unicorn, qui a coordonné le travail avec les pays européens pour l’accueil et la prise en charge de ces enfants. Le ministère mettait ensuite en place un transfert aérien médicalisé avec à bord des médecins, des infirmiers et des spécialistes en oncologie pédiatrique. À l’ARS, nous étions chargés d’organiser le dispositif d’accueil à l’aéroport d’Orly et d’assurer une bonne prise en charge dans les hôpitaux. Cela a nécessité un gros dispositif, mis en place avec la préfecture de police, les aéroports de Paris, la Croix-Rouge, le Samu et les établissements de santé.

Nous avons accueilli des enfants et leurs accompagnants, souvent la maman, les frères et sœurs et parfois les grands-parents. Malheureusement, nous n’avons jamais vu de pères car tous sont mobilisés sur le front. Il est important de ne pas séparer les familles pour ne pas ajouter de difficultés psychologiques à ce contexte déjà lourd.

À leur arrivée sur le tarmac, un diagnostic médical était réalisé pour s’assurer que le transport vers l’établissement hospitalier soit bien supporté par l’enfant. La Croix-Rouge prenait ensuite en charge les familles au complet dans leurs véhicules pour ensuite se diriger vers les hôpitaux. Lors du premier gros transfert de 22 enfants, nous avions recréé dans l’urgence un dispositif d’hébergement et de prise en charge médicale adapté dans un hôtel proche d’Orly car une quinzaine d’entre eux devait partir hors d’Île-de-France. Cela leur permettait d’avoir une phase de stabilisation et de repos avant un long trajet.

Pour assurer un soutien psychologique, des traducteurs ou des membres de la communauté ukrainienne étaient-ils présents ?

Oui, dans l’avion il y avait toujours des traducteurs. À l’arrivée à Paris, l’ambassade d’Ukraine était présente sur toutes les arrivées. Au sein des hôpitaux, la communauté ukrainienne en France est très mobilisée. Elle joue ce rôle d’accueil, de soutien et de traduction. Une aide psychologique est évidemment proposée dans les établissements hospitaliers.

Une fois le transfert vers l’hôpital effectué, un suivi est-il maintenu par l’ARS auprès des familles ? Et où sont-elles logées ?

Tout à fait, nous veillons à ce que la prise en charge globale se déroule correctement. Soit les enfants sont hospitalisés, soit ils entrent dans un circuit de parcours de soins avec des consultations fréquentes. Les services d’oncologie pédiatrique opèrent de la même manière qu’avec les autres patients et organisent toute la prise en charge.

Pour être au plus près des enfants en cas d’hospitalisation, les accompagnants logent dans les maisons des familles situées au sein ou aux abords des hôpitaux, à la charge de l’assurance maladie. Ce sont des petits appartements généralement au sein ou accolés aux établissements hospitaliers.

Puis, si l’enfant n’est plus ou pas hospitalisé, les familles sont reprises dans le dispositif du droit commun de l’accueil des réfugiés ukrainiens, avec un hébergement géré par les préfectures.

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Le jour où la situation en Ukraine le permettra, comment sera organisé le rapatriement de ces enfants dans leur pays ?

Pour l’instant nous ne nous posons pas la question mais il est certain que si transfert il y a, il sera adapté aux besoins du patient, de sa situation à l’instant T et des capacités de prises en charge. Au-delà de l’arrêt des combats, il sera nécessaire que les filières médicales en Ukraine soient en mesure de prendre en charge ces patients. [NDLR, c’est d’ailleurs pour signer un accord de coopération pour la reconstruction des infrastructures médicales que le ministre François Braun s’est déplacé en Ukraine.]