«Nous les laisserons pour mort.» C’est au Hamas que le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, a adressé cette promesse d’anéantissement. Samedi 7 octobre au petit matin, le groupe terroriste a attaqué par surprise le territoire israélien. Selon le dernier décompte, plus de 700 personnes ont été tuées et plus de 2000 blessées sur le territoire israélien. Que sait-on de cette organisation, responsable de ce que beaucoup d’analystes qualifient de «11 septembre d’Israël» ?
À la fin des années 1960, ce qui deviendra le Hamas n’est encore que la filiale palestinienne des Frères musulmans dans la bande de Gaza. Le terme «hamas» est l’acronyme arabe de «Mouvement de résistance islamique». Ses fondateurs – dont le principal cheikh Ahmed Yassin – ont tous été formés en Égypte. Ils créent à Gaza un réseau de mosquées, d’associations caritatives et d’écoles pour diffuser un islam politique pendant deux décennies. Ils concurrencent ainsi l’hégémonie des nationalistes de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), considérés par Israël comme l’ennemi à abattre. Tel-Aviv les considère presque avec bienveillance.
«Le Hamas n’est fondé qu’en 1987 dans la foulée du début de la première Intifada», explique Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme. Sa charte affirme que «la terre de Palestine est une terre islamique». Elle prône la destruction de l’État d’Israël et l’établissement d’un État islamique palestinien. «Le Hamas compte quelques centaines de personnes, plusieurs milliers d’opérationnel et des dizaines de milliers de sympathisants à Gaza.»
Le Hamas est actuellement considéré comme une organisation terroriste par la France, l’Union européenne et les États-Unis, mais aussi par le Canada, ou encore le Japon. D’autres nations, comme la Grande-Bretagne, l’Australie ou l’Égypte, considèrent que seule la branche armée est une organisation terroriste. La Chine, les pays arabo-musulmans et même la Norvège ne la considèrent pas comme telle.
Le Hamas a une branche politique et une branche militaire. La branche armée est dirigée par Mohammed Deïf depuis 2002, à la suite du décès de son précédent chef, Salah Shehadeh. Né dans la bande de Gaza en 1965, Deïf rejoint les rangs de l’organisation dès sa création en 1987. L’homme est désormais la cible numéro 1 pour Israël. En août 2014, l’armée de Tsahal avait déjà tenté de l’éliminer par une frappe aérienne. Sa femme et sa fille avaient été tuées. Mais lui s’en était sorti, quoique grièvement blessé. Il avait été amputé des deux jambes et d’un bras et avait perdu l’usage d’un œil.
Le bureau politique est dirigé depuis 2017 par Ismaïl Haniyeh, 60 ans. À partir de 1993, il devient l’homme de confiance du chef spirituel du Hamas, Ahmed Yassine, qui meurt en mars 2004 dans une frappe israélienne qui le visait personnellement. Il est l’un des chefs de file de la prise de pouvoir politique du Hamas sur la bande de Gaza en 2005 et 2006. Dans la foulée, il devient premier ministre de l’Autorité palestinienne entre février 2006 et juin 2014, avant de prendre la tête du bureau politique du Hamas. «Nous sommes sur le point de remporter une grande victoire», a-t-il déclaré samedi soir dans une allocution diffusée par Al-Aqsa TV, la chaîne de télévision de l’organisation terroriste.
Chaîne de commandement, équipements, régiments, bataillons… ces brigades ont tout d’une petite armée. Les forces des brigades Ezzedin al-Qassam étaient estimées à 20.000 combattants, soit six brigades regroupant 30 bataillons. Le nombre de ces «soldats» pouvant doubler en cas de mobilisation.
«L’opération lancée samedi met en œuvre des tactiques terroristes, rappelle David Rigoulet-Roze, chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). «Mais elle revêt aussi les formes d’une opération militaire globale nécessitant un très haut niveau de préparation : ils ont attaqué sur terre, sur mer et dans les airs, ce qui nécessite une planification sur plusieurs mois. C’est tout sauf de l’improvisation.»
Les brigades al-Qassam disposent par ailleurs d’une unité spéciale, la Nuhba, qui a activement pris part à l’assaut de samedi. Ces combattants d’élite ont été spécialement formés pour infiltrer le territoire israélien par la mer, par les airs (notamment grâce à des planeurs motorisés) et par la terre, en passant par les tunnels transfrontaliers. Ils sont entraînés à mener des raids pour enlever des personnes ou les tuer.
«Ils sont coutumiers des prises d’otage , souligne Jean-Charles Brisard. Ce week-end, l’organisation terroriste a fait «plus de 100 prisonniers», selon le décompte publié dimanche par le Bureau de presse du gouvernement israélien (GPO). «Cette fois-ci, leur caractère massif pourrait permettre au Hamas d’obtenir des libérations massives ou d’importantes contreparties financières et politiques.»
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Les objectifs du Hamas sont à l’image de sa structure : à la fois politique et terroriste. Sur ce dernier plan, l’objectif de l’organisation est très clair : frapper Israël jusqu’à sa destruction totale.
Sur le plan politique, le Hamas a su s’imposer comme force politique dominante sur la bande de Gaza, jouant en permanence la carte de la surenchère radicale contre le Fatah, le parti de Yasser Arafat, accusé d’inefficacité et d’incompétence. Au début des années 2000, le Hamas profite de l’affaissement de l’Autorité palestinienne, ciblée par Israël depuis la seconde Intifada en 2000. Malgré les assassinats à répétition contre ses chefs (les assassinats d’Ahmed Yassine et Abdel Aziz Al-Rantissi à Gaza en 2004 par Israël sont les coups les plus durs pour le mouvement), l’hydre du Hamas se reconstitue sans cesse.
L’organisation prend finalement le pouvoir après sa victoire aux élections municipales (décembre 2004) puis législatives (janvier 2006). C’est à ce moment-là qu’Ismaïl Haniyeh prend la tête d’un gouvernement islamiste. Peu à peu, le Fatah est évincé. S’appuyant sur la population de Gaza favorable à la violence, le Hamas s’impose peu à peu comme seul pouvoir réel sur ce territoire, au détriment de l’Autorité palestinienne.
Dès lors, la stratégie terroriste du Hamas évolue. En 2006, l’organisation annonce la fin des attentats-suicides et leur substitue les tirs de roquettes depuis la bande de Gaza. 2008, 2012, 2014, 2021… depuis, les guerres avec Israël s’enchaînent, sans que l’Autorité palestinienne n’ait réellement les moyens d’intervenir.
Sur le plan géostratégique, une ligne directrice : tenter d’isoler Israël et de fédérer tous les pays de la région contre lui, en s’appuyant, là encore, sur les opinions publiques souvent plus radicales que leurs gouvernements. La série d’attentats-suicides qui avait débuté en 1993 avait ainsi pour objectif d’enrayer le processus de paix israélo-palestinien, après la signature des accords d’Oslo. Après la répression menée par l’Autorité palestinienne de Yasser Arafat contre le Hamas, une tentative de rapprochement avec le mouvement avait échoué, sapé par ailleurs par la poursuite de la colonisation juive en Cisjordanie.
De la même manière, la barbarie déchaînée par le Hamas depuis samedi n’est pas sans arrière-pensées géopolitiques. L’organisation espère faire échouer le rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite en mettant la pression sur Riyad qui voit l’opinion publique saoudienne prendre fait et cause pour le Hamas.
«Cette fois-ci, je ne suis pas sûr que ce soit un bon calcul, nuance cependant David Rigoulet-Roze, certaines de ces normalisations sont déjà effectives – le Bahreïn par exemple – et Mohammed ben Salmane avait dit que la normalisation de la relation avec Israël ne serait pas prise en otage par cause palestinienne. Surtout, cette opération relève quasiment d’un programme de déstabilisation iranien dans la région, ce qui risque d’inquiéter l’Arabie saoudite et peut-être de la pousser davantage encore vers Tel-Aviv, afin de bénéficier de la puissance militaire israélienne, même si celle-ci a été ébranlée par l’offensive du Hamas.»
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Avant sa fondation en tant que tel en 1987, le Hamas était principalement financé par l’Arabie saoudite et la Syrie. Israël n’en nourrissait pas une grande inquiétude, l’organisation ne développant pas encore d’actions armées. Aujourd’hui, le Hamas est principalement appuyé par le Qatar et par l’Iran.
De là une proximité entre le Hamas et le Hezbollah, ou «Parti de Dieu». Fondé en 1982 à la suite du conflit entre Israël et le Sud-Liban, le Hezbollah est à la fois un parti et un groupe paramilitaire libanais islamiste, de confession chiite, basé au Liban. Dirigée par Hassan Nasrallah, l’organisation a pour père spirituel et modèle politique l’Ayatollah Khomeini. Comme le Hamas, le Hezbollah est soutenu sans réserves par l’Iran, qui sponsorise les organisations favorables à la destruction d’Israël.
Le Hezbollah libanais a-t-il tenté d’ouvrir un second front, en appui de ses «frères» du Hamas ? Lundi, Israël a indiqué qu’outre l’attaque depuis Gaza déclenchée samedi, plusieurs commandos armés du Hezbollah s’étaient infiltrés sur leur territoire par le Sud Liban. Tel-Aviv a bombardé un village frontalier et affirme avoir tué «un certain nombre d’activistes présumés». L’organisation avait tiré la veille sur des positions israéliennes, mais a nié toute implication dans l’infiltration.
«Le Hamas est principalement épaulé par le Qatar sur le plan financier et par l’Iran sur le plan matériel, résume Jean-Charles Brisard, même s’il se finance également par des taxes imposées aux frontières et des impôts sur les marchandises.»