L’implication des rebelles houthis dans le conflit entre Israël et le Hamas a franchi un palier. Au cours des premiers jours qui ont suivi l’attaque du 7 octobre, la milice yéménite, soutenue par l’Iran et toujours en guerre contre les forces gouvernementales de son pays, s’était contentée de viser le sud d’Israël avec des drones et des missiles. Ces attaques étaient alors présentées comme des représailles contre les intenses bombardements de Tsahal dans la bande de Gaza. Depuis le milieu du mois de novembre, les Houthis ont changé de méthode et considérablement élargi le champ de leurs cibles comme celui des moyens utilisés.
Désormais, la milice chiite vise les cargos qui transitent par la mer Rouge et le détroit de Bab el-Mandeb, situé entre le Yémen et Djibouti, mettant en péril le trafic maritime dans cette zone hautement stratégique. Tout a commencé le 19 novembre dernier, quand un commando houthi a abordé et pris d’assaut le navire commercial Galaxy Leader , qui appartient à une société britannique. Depuis, au moins 18 autres actes de piraterie ont été recensés à date du 18 décembre. Les rebelles yéménites, qui forment avec le Hamas et le Hezbollah «l’axe de la résistance» contre l’État hébreu, tentent ainsi de faire payer aux pays occidentaux leur soutien à Israël.
La plupart des drones ou missiles houthis tirés sur des navires marchands ont été interceptés par les bâtiments de guerre occidentaux positionnés dans la zone. Mais certains cargos n’ont pas eu cette chance. Ce lundi 18 décembre, le tanker M/V Swan Atlantic, battant pavillon norvégien, a été attaqué par «un objet non-identifié», en provenance du Yémen, selon son propriétaire, Inventor Chemical Tankers. Vendredi 15 décembre, un porte-conteneurs du leader mondial du transport maritime MSC, le Palatium III, a été touché par un tir de missile balistique revendiqué par les Houthis. Un navire similaire de l’armateur allemand Hapag-Lloyd, l’Al Jasrah, a été endommagé le même jour.
Lundi 11 décembre, le pétrolier-chimiquier Strinda, battant pavillon norvégien, a également été atteint par un missile de croisière antinavire, provoquant un incendie à bord. Le 26 novembre, le tanker Central Park, battant pavillon libérien, avait été arraisonné par des pirates houthis avant que ces derniers ne soient arrêtés par la marine américaine.
Conséquence immédiate de ces incidents, les transporteurs maritimes ont fait dans leur grande majorité le choix de la prudence, en délaissant temporairement la mer Rouge et le détroit de Bab el-Mandeb. C’est notamment le cas de l’italo-suisse MSC, du danois Maersk, de l’allemand Hapag Lloyd et du français CMA CGM. Jusqu’à nouvel ordre, les navires de ces armateurs sont contraints à un détour de plusieurs milliers de kilomètres, par le Cap de Bonne-Espérance, au sud de l’Afrique. Les coûts de fret bondissent donc mécaniquement, et le temps de trajet est rallongé d’au moins 10 à 15 jours.
Le détroit de Bab el-Mandeb est l’un des plus empruntés au monde. 40% du commerce maritime passe par ce couloir d’à peine 30 kilomètres de large, avant d’emprunter le canal de Suez pour déboucher en Méditerranée et donc en Europe. Environ 20.000 navires chargés de produits manufacturés, mais surtout d’hydrocarbures, transitent chaque année par cette route. Depuis que les Houthis ont commencé leurs attaques, la présence militaire occidentale s’est considérablement densifiée dans la zone.
Au début du mois de novembre, le porte-avions américain USS Dwight D. Eisenhower a ainsi franchi le canal de Suez pour croiser dans les eaux de la mer Rouge, accompagné de son escorte, composée notamment du croiseur USS Philippine Sea et des destroyers USS Mason, USS Gravely et USS Carney. Ce dernier a abattu samedi 16 décembre pas moins de 14 drones lancés depuis des zones du Yémen contrôlées par les Houthis. Le Royaume-Uni a également envoyé les frégates HMS Lancaster et HMS Diamond et l’Espagne, la frégate Victoria.
La France a, quant à elle, déployé la frégate multi-missions (FREMM) Languedoc. Le 10 décembre, l’état-major a indiqué que ce navire avait abattu «deux drones qui se dirigeaient droit sur elle en provenance des côtes du Yémen». C’est la première fois qu’un bâtiment militaire français était ciblé par les Houthis depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.
En déplacement à Tel Aviv le 17 décembre, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a indiqué que ces attaques en mer Rouge «ne peuvent rester sans réponse». «Nous étudions plusieurs options» défensives «avec nos partenaires», a-t-elle précisé. Lors d’un voyage au Moyen-Orient cette semaine, le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin pourrait également annoncer la formation d’une coalition contre les Houthis, pour renforcer la sécurité maritime dans la région, selon le blog spécialisé The War Zone.