850 kilomètres carrés. La «deuxième phase» de l’offensive russe en Ukraine a porté des fruits modérés. Elle équivaut à huit fois la superficie de Paris. L’Ukraine, cependant, n’obtient pas de meilleurs résultats : 372 kilomètres carrés, trois fois Paris. La Russie a conquis environ 18% du territoire ukrainien (603 550 km2), depuis le début de la guerre en 2014. Son invasion à grande échelle, lancée le 24 février 2022, a blessé ou tué 315.000 de ses soldats, selon un document américain déclassifié le 12 décembre. En moyenne, on compte 1 tué pour 3 blessés. Près de 100.000 militaires russes auraient donc été tués, selon cette estimation. Du côté ukrainien, des responsables américains cités par le New York Times en août évoquaient le chiffre de quelque 70.000 morts.
Pourtant, les objectifs de Vladimir Poutine, la «dénazification« et la «démilitarisation» de l’Ukraine, répétés en décembre lors de sa conférence annuelle, ne semblent pas être atteints. La ligne de front n’a pas été modifiée en profondeur au cours de l’année 2023.
2023 devait être l’année de la reconquête pour l’Ukraine. Victorieuse à Kiev, puis à Kharkiv (nord-est) et à Kherson (sud) en 2022, l’armée se préparait à lancer une contre-offensive en direction de la mer d’Azov. Objectif : libérer une bande de terre suffisamment grande pour découper le dispositif russe. Pour cela, l’armée ukrainienne devait pénétrer à 150 kilomètres en profondeur à l’intérieur du dispositif russe. Les plus optimistes imaginaient même pouvoir atteindre la Crimée, occupée depuis 2014. Las, malgré un afflux de matériel occidental (chars, missiles de longue portée ATACMS, et avions), l’offensive n’a pas porté les fruits attendus. Après quatre mois de combats, Valeri Zaloujny, commandant-en-chef de l’armée ukrainienne a franchement reconnu, début novembre, être «dans une impasse».
Elle s’est heurtée à un obstacle de taille : la ligne Sourovikine. Elle a été fortifiée et minée par le général éponyme, alors en charge des opérations militaires russes en Ukraine. Celle-ci court sur environ 1000 kilomètres de front et s’échelonne sur près de 30 kilomètres de profondeur, avec parfois jusqu’à cinq lignes de défense. Sur le terrain, les soldats en première ligne devaient échapper aux mines, aux tirs d’artillerie et aux drones, puis nettoyer les tranchées adverses avant de détruire un dispositif similaire quelques kilomètres plus loin. Pas moins de 174.000 kilomètres carrés du territoire ukrainien, soit deux fois la superficie du Portugal, auraient été piégés par les Russes.
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L’Ukraine n’a réussi à pénétrer le dispositif russe qu’à deux endroits : Velyka Novoslilska, dans le Donbass, en juin et Robotyne, au sud de Zaporijjia, fin août. Cette dernière percée a suscité de nombreux espoirs internationaux. L’armée ukrainienne, après avoir détruit la première ligne de défense, n’a pu annihiler la seconde, et s’ouvrir une route vers Tokmak, première ville avant Mélitopol.
Le Kremlin a annexé cinq oblasts (régions administratives, NDLR) ukrainiens depuis le début de la guerre en 2014. Les quatre derniers, Louhansk, Donetsk, Zaporijjia et Kherson, l’ont été en septembre 2022. Leur conquête définitive est un objectif de court terme. 98% du premier est sous contrôle russe, pour 26% du deuxième, 75% du troisième et 65% du dernier. L’armée russe a, tout au long de l’année 2023, lancé des assauts pour «arrondir» ces frontières, et conquérir entièrement ce qu’elle a annexé.
Les mercenaires russes, surtout de Wagner, ont réussi à conquérir Bakhmout fin mai 2023, une ville du Donbass, après près d’un an de combats, au prix de 20.000 tués, selon leur chef, Evguéni Prigojine. Ce dernier n’a pas accepté la tutelle du ministère de la Défense et a conduit une rébellion contre le Kremlin en juin. Il a, finalement, trouvé la mort dans un opportun accident d’avion le 23 août. Depuis, la ligne de front de près de 1000 kilomètres semble presque figée. L’armée régulière russe lance des assauts autour d’Avdiivka, une ville à quelques encablures de Donetsk (Donbass), capitale de l’oblast annexé éponyme. Quelques kilomètres carrés sont conquis péniblement autour de cette ville, et Marinka, une banlieue de Donetsk a été conquise à Noël.
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L’Ukraine s’apprête à passer son neuvième hiver de guerre contre la Russie alors que le soutien étranger semble faillir. Aux États-Unis, Démocrates et Républicains ont acté le 20 décembre leur désaccord sur une aide financière de 61 milliards de dollars à l’Ukraine. Les chefs de groupes parlementaires ont dit espérer pouvoir la voter «en début d’année prochaine». L’Union européenne, elle, a ouvert sa porte à l’Ukraine, mais n’a pas accordé l’aide de 50 milliards d’euros prévue à cause du véto hongrois du 15 décembre. «Nous reviendrons sur le sujet début janvier», a assuré Charles Michel, président du Conseil européen. «On ne peut pas gagner sans aide», s’est exclamé Volodymyr Zelensky, président ukrainien.