Cet article est extrait du numéro spécial du Figaro « D’Est en Ouest – Vivre au Canada », disponible sur le Figaro Store .

Tous les Acadiens portent en eux la douloureuse et tragique histoire de leur peuple. Majoritairement originaires de la région du Poitou, les premiers colons français à former l’Acadie s’installent en 1604 sur l’Ile-Sainte-Croix dans la baie française (aujourd’hui baie de Fundy) et en 1605 à Port-Royal. Au fil des décennies, les Acadiens remontent les rives de la baie et fondent les communautés de Beau-bassin et de Grand-Pré sur la côte nord de l’actuelle Nouvelle-Écosse. À cette époque la France et l’Angleterre se disputent le continent nord-américain. L’Acadie se situe entre les deux colonies rivales : la Nouvelle-Angleterre au sud et la Nouvelle-France au nord. En 1713, la France cède ce territoire « tampon » aux Anglais. Les Acadiens décident de rester tout en refusant de prêter allégeance à la couronne britannique.

Malgré cela, l’Acadie se développe et compte près de 13.000 habitants en 1750. Ce territoire sans frontières stables abrite alors un peuple attaché à ses racines françaises, mais laissé à la merci des troupes anglaises. En 1755, le drame survient. L’Angleterre, à nouveau en guerre contre la France, décide de régler une bonne fois pour toutes le sort des Acadiens. En quelques semaines, ces agriculteurs pacifiques vont être déportés dans des conditions atroces vers l’Angleterre ou vers des colonies américaines comme la Caroline du Sud, la Pennsylvanie ou la Géorgie. Les familles sont séparées, de nombreux déportés meurent avant d’arriver à destination et les villages sont détruits. Exilés ou fugitifs, les Acadiens totalement démunis connaissent alors une longue période d’errance à la recherche d’une nouvelle terre d’accueil. En 1763, le traité de Paris scelle la victoire anglaise sur les forces françaises et la Nouvelle-France est cédée à la Grande-Bretagne. L’ensemble du territoire canadien appartient désormais aux Britanniques. Les Acadiens, survivants de cette période sombre de la moitié du XVIIIe siècle, l’ont qualifiée de « Grand Dérangement ».

Après le Grand Dérangement, certaines colonies acadiennes seront autorisées à se reformer, principalement au Nouveau-Brunswick où les Acadiens représentaient en 2021 environ un tiers de la population (29,5%). Dans les autres provinces maritimes du Canada, on trouve aujourd’hui des communautés francophones dites acadiennes dont la langue maternelle est le français. En pourcentage de population, l’Île-du-Prince-Édouard compte 3 % d’Acadiens, la Nouvelle-Écosse, 2,9 % et Terre-Neuve-et-Labrador 0,4%, des populations donc fortement minoritaires. Mais l’Acadie, c’est aussi une diaspora.

On estime qu’il y aurait au moins 3,8 millions de descendants d’Acadiens dans le monde. Un chiffre difficile à confirmer scientifiquement mais qui témoigne de l’importance de cette communauté. En Louisiane, ils sont connus sous le nom de « Cajuns ». D’autres ont fait souche en Bretagne, notamment dans les régions de Saint-Malo, Morlaix et Nantes ainsi qu’à Belle-Île. À Chantenay, un quartier de Nantes, une rue de l’Acadie et un mémorial rappellent leur histoire. Si certains descendants d’Acadiens parlent encore le français, d’autres ont adopté l’anglais. Malgré ces différences et cet éloignement, la diaspora acadienne reste vivante et dynamique. En témoigne le Congrès mondial acadien, organisé tous les cinq ans depuis 1994, qui a lieu à chaque fois dans une région différente.

Grand événement festif, mais aussi de réflexion, ce rassemblement international de la culture acadienne vise à resserrer les liens entre les membres des différentes communautés. Le prochain congrès aura lieu en 2024 du 10 au 18 août dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, un ensemble composé des municipalités de Baie–Sainte-Marie (Clare) et des Côtes acadiennes et Yarmouth (Argyle).