Cinq jours après l’attaque meurtrière déclenchée par le Hamas en Israël, plus de 260.000 personnes ont été contraintes de fuir leur domicile dans la bande de Gaza en raison de la riposte militaire de l’État hébreu, estime le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha). Parmi elles, plus de 175.000 ont trouvé refuge dans les écoles des Nations unies. Il s’agit du plus grand déplacement de population «depuis l’escalade de 50 jours (pendant) les hostilités de 2014», précise l’organisme.

«Ce nombre devrait encore augmenter», alerte l’ONU, alors que le gouvernement israélien a décrété lundi la mise en place d’un siège complet de la bande de Gaza. «Pas d’électricité, pas de nourriture, pas de gaz (…). Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence», a détaillé le ministre de la défense Yoav Gallant. 2,3 millions de personnes vivent dans ce ruban de terre de 41 kilomètres de long sur 6 à 12 kilomètres de profondeur, sous blocus israélien depuis 2007.

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Les perspectives qui se dessinent pour la population – à 80% dépendante de l’aide humanitaire – sont catastrophiques alertent les associations et organismes d’aide. «Les jours qui viennent ne vont pas être propres», a prévenu le lieutenant-colonel Richard Hecht, porte-parole de l’armée israélienne, en référence à la contre-offensive israélienne qui va monter en intensité. «Les images de destruction de Gaza ne sont qu’un début», a pour sa part déclaré le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. Depuis que l’organisation terroriste islamiste palestinienne a lancé son offensive samedi 7 octobre, plus de 1000 personnes sont mortes, selon le ministère de la Santé palestinien. Et 4 250 autres ont été blessées.

«Nous n’avons jamais connu une telle situation en termes d’intensité et d’ampleur, assure au Figaro Sarah Château, responsable du programme palestinien pour Médecins sans frontières (MSF). Ce matin, les bombardements continuent de frapper de façon très forte. Tout le monde est sous pression.» Pour l’instant, «les stocks des pharmacies ne sont pas affectés par des pénuries», assure l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

Mais, ajoute Sarah Château, «des personnels du ministère de la Santé palestinien nous disent que les hôpitaux sont à court de narcotiques», nécessaires pour soulager les patients lors d’opérations. «Nos stocks seront vides d’ici deux à trois jours si les bombardements sont toujours aussi intenses et les blessés toujours aussi nombreux», ajoute-t-elle. Sur place, «les humanitaires n’assurent que partiellement leur mission, assure Sarah Château. On ne peut pas se déplacer, ou alors très difficilement, chaque mouvement est très risqué.» La crainte que les hôpitaux ne puissent plus fonctionner à cause des coupures d’électricité et que les soins prodigués soient de moins bonne qualité est réelle.

Dans certains refuges, l’accès à l’eau est «limité», ajoute l’UNRWA. Et les dégâts provoqués par la riposte israélienne aux installations d’approvisionnement en eau et d’assainissement «ont compromis les services fournis à plus de 400.000 personnes», a précisé Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU. Dans un rapport de juin 2022, l’Ochoa révélait que 78% de l’eau courante à Gaza est «impropre à la consommation humaine».

En parallèle, point une crise alimentaire. Ce mercredi, l’UNRWA estime que «près d’un demi-million de personnes (112.000 familles) n’ont pas pu obtenir leurs rations alimentaires» depuis que ses centres de distribution ont fermé. Dans un communiqué, le Programme alimentaire mondial (PAM) s’est dit «profondément inquiet» des difficultés d’accès aux produits alimentaires dans les zones affectées par les combats, alors que la bande de Gaza ne produit que 10 % de ce qu’elle mange. Le PAM craint également des ruptures de stock dans les magasins d’alimentation ainsi que le gâchis causé par les coupures d’électricité que l’État hébreu a annoncées il y a deux jours – la bande de Gaza est à 100 % dépendante d’Israël pour ses livraisons d’électricité.

Ces coupures ne sont pas nouvelles. En 2022, les habitants de Gaza n’avaient de l’électricité que douze heures par jour en moyenne, rapporte l’ONU. Aujourd’hui, «la centrale électrique de Gaza est désormais la seule source d’électricité», alerte Stéphane Dujarric. Or, elle s’est arrêtée ce mercredi à 14 heures après avoir manqué de carburant, a annoncé le chef de l’Autorité de l’énergie de l’enclave palestinienne, Jalal Ismaïl, dans un communiqué.

Car c’est le fioul qui permet la production d’électricité – et de facto le fonctionnement du réseau d’eau. Or, il n’y a plus d’approvisionnement. L’essence, aussi, va manquer : 91% du pétrole et du diesel utilisés dans la bande de Gaza viennent d’Égypte. Les 9% restants d’Israël, selon l’ONU.

Des ONG internationales de médecins ont donc alerté hier sur la situation sanitaire et réclament un couloir humanitaire. «Rien ne vaut un cessez-le-feu. Il faut pouvoir sécuriser quelques espaces pour mettre en sécurité nos collègues et mettre en place des couloirs humanitaires pour permettre l’approvisionnement des médicaments et des vivres, réaffirme Sarah Château. On ne peut pas asphyxier la population.»

Ce mercredi au Caire, les responsables des Nations unies en charge des Palestiniens ont discuté des moyens d’«assurer un accès de la bande de Gaza aux services et à l’aide humanitaire» avec l’Égypte. Le pays tient via le poste de Rafah l’unique ouverture sur le monde de l’enclave palestinienne qui ne soit pas contrôlée par Israël. Le passage a été bombardé trois fois par les Israéliens lundi et mardi.