L’adoption d’un accord sur la libération des otages israéliens semblait acquise mardi en fin de journée. L’information, qui courait à l’état de rumeur depuis une semaine, a pris corps au fil de la journée. L’annonce d’une réunion du gouvernement israélien, prévue à 20 heures locales, a apporté une confirmation officielle à ces rumeurs: elle était nécessaire pour valider officiellement les termes de l’accord. Un peu plus tôt, alors qu’il rendait visite à des soldats, le premier ministre Benyamin Netanyahou avait dit espérer «de bonnes nouvelles bientôt».
Le matin même, c’est Ismaël Haniyeh, chef du Hamas en exil au Qatar, qui avait indiqué dans un communiqué «s’approcher de la conclusion d’un accord de trêve». Le Djihad islamique, autre milice impliquée dans les enlèvements, aurait approuvé les termes du «deal». La veille, lundi soir, la présidente du Comité international de la Croix-Rouge a rencontré des dirigeants du Qatar, ainsi qu’Ismaël Haniyeh. L’organisation, qui dit ne pas participer aux pourparlers, pourrait jouer dans les jours qui viennent un rôle dans le processus de libération des otages. Enfin, la Maison-Blanche a déclaré n’avoir «jamais été aussi proche» d’un accord.
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Sur quoi peut-il porter? Probablement, dans un premier temps, sur la libération de 50 femmes et enfants israéliens contre celle de femmes et mineurs palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, exception faite de ceux qui ont été condamnés pour meurtre, contre un otage israélien. Elle pourrait se faire par étapes: une dizaine d’otages israéliens libérés chaque jour. Et s’accompagner d’autant de jours de trêve dans la bande de Gaza. Le Hamas demanderait également la livraison de plus d’essence, officiellement pour alimenter les générateurs électriques des hôpitaux. C’est un point d’achoppement potentiel car Israël redoute depuis le début de la guerre que le fuel livré à des fins humanitaires ne soit détourné par la milice islamiste. Dans la bande de Gaza la population civile est à bout, démoralisée par 46 jours de guerre. Privée de tout, elle n’ose espérer l’annonce d’un cessez-le-feu. Celui-ci pourrait entrer en vigueur jeudi, après validation, mercredi, de la décision du gouvernement par la Cour suprême.
Cet accord ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement de coalition de Benyamin Netanyahou. Deux ministres de poids ont fait part de leurs réticences: Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, tous deux leaders de partis sionistes religieux, suprémacistes juifs et colonialistes. «L’État d’Israël va encore faire une très, très grosse erreur, du même genre que celle du “deal” sur la libération de Shalit», a lancé mardi Itamar Ben Gvir. Le ministre de la Sécurité nationale fait référence à l’accord de 2011, au cours duquel le soldat franco-israélien Gilad Shalit avait été libéré contre 1027 prisonniers palestiniens, parmi lesquels Yahya Sinwar. L’actuel chef du Hamas dans la bande de Gaza est présenté comme la tête pensante de l’attaque terroriste du 7 octobre, au cours de laquelle 1300 Israéliens ont été tués et quelque 240 enlevés. Mais ces deux ministres ne devraient pas être en mesure de faire échouer l’accord.
Au cours d’un échange mardi après-midi avec des journalistes de la presse internationale, le directeur de la cellule de négociation du cabinet du premier ministre israélien a décrit une situation complexe. Il a notamment évoqué la concurrence entre deux des principaux buts de cette guerre, du point de vue israélien: d’une part la destruction des capacités militaires du Hamas, de l’autre la libération des otages. Lequel doit prévaloir? Au sein du conseil de guerre israélien, on trouverait deux tendances opposées. L’une, derrière Benyamin Netanyahou, accorderait plus d’importance à la destruction du mouvement islamiste. L’autre, derrière Benny Gantz, à la libération des otages. «Dans une négociation, vous devez savoir ce que l’autre partie peut vous donner», a-t-il également rappelé. Or, selon cette source, Yahya Sinwar dispose d’une marge de manœuvre limitée: le Djihad islamique peut décider de dénoncer l’accord. Par ailleurs, des otages seraient entre les mains de «seigneurs de guerre» bien moins manœuvrables.
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En attendant une annonce officielle, les proches des otages patientent dans l’angoisse. Qui sera libéré? Qui restera aux mains du Hamas? «On ne se fait pas d’illusion», soupire d’un air détaché Yair Moses. Ses deux parents, Margalit, 77 ans, et Gadi, 79 ans, ont été enlevés le 7 octobre alors qu’ils résidaient dans le kibboutz Nir Oz, tout proche de la bande de Gaza. «On attend pour l’instant d’avoir du concret… On espère, bien sûr, mais on ne veut pas en parler», lâche-t-il prudemment. La priorité accordée aux femmes et aux enfants est vue comme un scandale par la mère d’Avinatan, 30 ans: «Quiconque accepte un tel accord condamne mon fils», déplore-t-elle auprès du média israélien Ynet. «Il n’y aura pas de deuxième chance», redoute-t-elle.
Yaël Ben Ezra partage cet avis: «tous les otages devraient revenir immédiatement», estime-t-elle. Cependant, «s’il est possible de sauver des enfants, et peut-être des mères, je soutiens cette initiative», explique-t-elle. Son père a été assassiné d’une dizaine de balles le 7 octobre et sa mère, âgée de 72 ans, emportée vers Gaza. Sur les réseaux sociaux, une vidéo a circulé qui la montre, pieds nus, en pyjama, terrifiée, coincée entre deux terroristes sur une moto filant vers l’enclave. Depuis, Yaël vit un «cauchemar». Et n’entretient que peu d’espoir: «Je ne pense pas que ma mère sera incluse dans cet accord.»