La menace couve depuis le début du conflit. Alors qu’Israël bombarde massivement la bande de Gaza en représailles des raids meurtriers du Hamas le 7 octobre dernier, le danger d’une extension de la guerre qui oppose Tsahal au groupe terroriste ne faiblit pas. Car l’Iran, ennemi juré d’Israël, dispose de milices inféodées dans la plupart des pays frontaliers ou proches de l’État hébreu. Et qu’il pourrait décider de les engager dans le conflit si certaines lignes rouges sont franchies, comme le révélait récemment Le Figaro .
La semaine dernière, le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian a mené une tournée régionale au Liban, en Irak et en Syrie. Autant de pays qui comptent d’importantes factions chiites téléguidées par Téhéran, susceptibles de s’investir dans le conflit. Si c’est déjà le cas du Hezbollah au sud-Liban, d’autres groupes agissent depuis les territoires frontaliers d’Israël et même depuis le Yémen. L’heure de la guerre n’a pas encore sonné pour cet «axe de la résistance», mais des opérations de déstabilisation sont en cours contre l’État hébreu… et même son allié américain.
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La menace la plus concrète pour Israël vient actuellement du sud-Liban, et de la milice du Hezbollah. Dès les premiers bombardements de Tsahal sur la bande de Gaza, ce groupe terroriste chiite armé et financé par les Gardiens de la révolution islamique a averti qu’elle pourrait entrer en guerre si l’enclave palestinienne était investie par l’armée israélienne. Pour l’heure, il se contente de bombarder les positions militaires au nord du pays. Selon l’Institute for the Study of War (ISW), pas moins de 17 attaques ont été recensées sur la seule journée du 22 octobre. Les combattants du Hezbollah ont notamment usé de missiles guidés antichars pour viser les blindés positionnés à la frontière.
Pour la première fois, des missiles sol-air ont également visé un hélicoptère de Tsahal qui menait des opérations de représailles à la frontière, a indiqué un porte-parole de l’armée israélienne. Preuve de l’inflammabilité de ce secteur, de nombreuses localités ont été évacuées ces derniers jours, dont une ville de plus de 20.000 habitants.
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L’ouverture d’un second front dans cette zone est une crainte lancinante. Dimanche, deux membres du Hezbollah ont pourtant indiqué à Reuters que l’activité militaire du groupe terroriste avait pour objectif de «fixer» les troupes israéliennes dans la zone, «mais pas d’ouvrir un nouveau front». Cette stratégie oblige Tsahal à ne pas concentrer toutes ses forces et son attention sur Gaza, et ressemble à une diversion, alors qu’une opération terrestre est attendue dans l’enclave. Elle fait planer une menace diffuse qui maintient ainsi l’armée israélienne sous pression dans plusieurs zones.
En Syrie, des milices chiites pourraient également être entrées en jeu ces derniers jours. Des tirs de roquettes en provenance de ce territoire ont ainsi été interceptés par le «dôme de fer» dimanche, au-dessus du plateau du Golan, annexé par Israël en 1967. Plusieurs alertes similaires ont été recensées depuis le 7 octobre dernier. S’agit-il de combattants syriens affiliés à l’Iran ? Ou de factions palestiniennes exilées en Syrie ? L’origine de ces tirs reste pour l’heure inconnue.
Mais le 21 octobre, plusieurs médias israéliens se faisaient l’écho de l’arrivée en Syrie du général Esmail Ghaani, successeur de Qassem Soleimani à la tête de la force Al-Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique. Signe de la volonté de l’Iran d’ouvrir un nouveau front en Syrie, si la situation venait à s’envenimer à Gaza ?
Depuis 2011 et le début de la guerre civile syrienne, Israël a mené une centaine de frappes aériennes sur le territoire de son voisin, pour empêcher l’Iran de s’implanter à ses portes. Les 12 et 14 octobre derniers, Tsahal a de nouveau bombardé la Syrie, visant cette fois les aéroports de Damas et Alep. Selon Joel Rayburn, directeur du centre de réflexion American Center for Levant Studies, ces frappes viseraient à empêcher Téhéran d’exporter des armes en Syrie. «Le Corps des gardiens de la révolution islamique utilise depuis longtemps des avions de ligne pour des transports militaires vers la Syrie», rappelle l’ISW dans son bulletin quotidien.
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En Irak, les milices soutenues par l’Iran n’ont pas encore frappé le territoire hébreu. Mais la «Résistance islamique en Irak» a revendiqué sur Telegram plusieurs attaques contre des bases militaires irakiennes abritant des troupes américaines. Depuis le 18 octobre, ce groupe regroupant plusieurs factions chiites a ainsi mené neuf attaques de drones et de roquettes contre les bases d’Aïn al-Assad et d’al-Harir, ainsi que sur un camp militaire proche de l’aéroport de Bagdad, sans causer de dégâts.
Par le biais de ses «proxys» irakiens, l’Iran tente ainsi de dissuader les États-Unis, principal soutien d’Israël, de fournir une aide significative à l’État hébreu. Dès les premiers jours de la guerre contre le Hamas, Washington a envoyé des munitions à son allié et déployé deux groupes aéronavals en Méditerranée. Le 20 octobre, le Hezbollah irakien a exigé des Américains qu’ils «quittent» l’Irak, «sans quoi ils goûteront aux feux de l’enfer».
Face à cette menace, les États-Unis ont ordonné dimanche l’évacuation du personnel non essentiel de leur ambassade et de leur consulat en Irak, «en raison des menaces de sécurité croissantes pesant sur le personnel et les intérêts des États-Unis».
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Jeudi 19 octobre, trois missiles sol-sol et plusieurs drones «se dirigeant potentiellement vers des cibles en Israël» ont été interceptés en mer Rouge par un destroyer américain. Selon le Pentagone, ils proviendraient des rebelles houthies, au Yémen, ce que leur chef a confirmé le 22 octobre. Cette milice chiite, soutenue par l’Iran, a pris le contrôle de la capitale yéménite Sanaa en 2014, déclenchant une guerre contre les forces gouvernementales.