Peu se souviennent sans doute de Nicole Girard-Mangin. Elle fut la première et unique femme médecin à exercer au sein de l’armée française durant la Première guerre mondiale. Médecin de l’assistance publique spécialisée dans les maladies infectieuses, elle avait été mobilisée le 2 août 1914 «suite à une erreur administrative», raconte le livret publié ce vendredi par le ministère des Armées pour rendre hommage aux «femmes combattantes» qui ont servi la France. Une centaine d’entre elles ont été choisies pour apparaître comme des exemples inspirants.

La liste n’est évidemment pas exhaustive. Nicole Girard-Mangin «répond à l’appel et elle est gardée en raison de sa spécialité», poursuit la courte biographie qui lui est consacrée. Jusqu’en 1916, «elle est rémunérée comme infirmière avant d’être nommée médecin aide-major». Elle dirigera ensuite la formation des infirmières militaires au sein de l’hôpital école Edith Cavell. «Elle ne recevra ni médaille ni décoration de son vivant», concluent les historiens du Service historique de la Défense (SHD) qui ont résumé sa vie.

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Les cent parcours que retrace le SHD dans le recueil du ministère, publié à l’occasion de la journée des droits des femmes, ce vendredi 8 mars 2024, ne sont pas tous aussi ingrats. La plupart d’entre elles ont reçu la Croix de guerre pour leur bravoure, la Légion d’honneur ou d’autres décorations. Certaines héroïnes ont reçu toute la reconnaissance qu’elles méritaient. Marie Hackin, Berthy Albrecht, Laure Diebold, Marcelle Henry, Émilienne Moreau-Évrard et Simone Michel-Lévy figurent parmi les 1038 compagnons de la Libération. Joséphine Baker, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillon ont été inhumées au Panthéon pour honorer leur engagement.

Mais beaucoup d’autres «combattantes» ont sombré dans l’oubli ou presque. «Quel que soit leur nombre, quels que soient leurs exploits, leur courage et leur force, les combattantes ont longtemps été oubliées et dissimulées par la surreprésentation masculine, dans les armées comme dans l’histoire», note la secrétaire d’Etat aux anciens combattants Patricia Mirallès, qui a supervisé et soutenu le projet. «Le ministère des Armées se devait de rappeler ce que notre pays doit à celles qui, en prenant les armes pour le défendre, n’ont pas hésité à braver les assignations de genre», ajoute-t-elle dans l’introduction qu’elle signe. Le parcours de Jane Dieulafoy, qui s’était travestie en homme pour suivre près du front son mari, capitaine du génie dans les francs-tireurs en 1870, en constitue un exemple parfait.

à une époque où l’esprit de défense doit être cultivé et le recrutement militaire soutenu, le ministère des Armées s’attèle à son devoir de mémoire. Le recueil publié sur les femmes combattantes pourra inspirer élus et enseignants, dit-on, et suggérer des idées pour nommer une rue ou une école. En 2021, le secrétariat d’Etat avait déjà publié un recueil similaire sur les combattants nés dans les anciennes colonies françaises d’Afrique. Avec peu de résultat pour l’instant.

Pour réaliser le livret, le service historique de la Défense a sélectionné cent parcours parmi «des dizaines de milliers d’autres». Les choix ont été opérés en fonction des sources disponibles, dans le souci d’équilibrer les armes et les territoires, et avec l’ambition de coller à une certaine réalité. Les femmes sont davantage représentées dans les missions médicales, de soutien ou de renseignement, notamment dans la résistance, que pour des missions de combat. «De nombreuses infirmières bénévoles n’ont pas laissé de dossier militaire et beaucoup de leurs noms sont tombés dans l’oubli», raconte le SHD à propos de la Première guerre mondiale.

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Le recueil permet de dessiner les contours de l’engagement des femmes de la guerre de 1870 à nos jours. Elles sont avant tout infirmières ou cantinières à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle, à l’image de Marie Vialar, la «première cantinière de France», engagée pendant 49 ans en service, ou encore de Jeanne Vandamme, infirmière «morte pour la France» en 1917. D’autres s’engagent aussi comme espionnes pour servir leur pays ou dans l’armée de la France libre, comme celles qui ont rejoint le corps féminin des transmissions fondé par le général Merlin. Pendant la Deuxième guerre mondiale, elles sont aussi résistantes : Lucie Aubrac, Olga Bancic, Cecile Rol-Tanguy, Laure Diebold… Si elles ont été décorées pour leur courage, d’autres sont encore méconnues, comme Charlotte Trolley de Prevaux, entrée en résistance avec son mari. Quelques rues ou édifices de France portent son nom à lui, d’autres ceux du couple, aucun son nom à elle seule.

Durant la seconde moitié du XXe siècle, l’engagement militaire des femmes se poursuit, se normalise. Valérie André devient la première femme officier général. L’armée de l’air, notamment, accueille de plus en plus de «personnels féminins», comme on dit au sein de l’armée. Comme les hommes, il arrive à ces soldates de mourir dans le cadre de leurs missions.

Le recueil du SHD s’achève sur les portraits de Aurélie Salel, sapeur-pompier de Paris morte pour le service de la nation, Mélanie Lemée, gendarme morte pour le service de la nation et Yvonne Huynh, première femme décédée en opération extérieure.