Envoyé spécial à Brest

Tonnerre de Brest ! Charles Caudrelier et son géant des mers Edmond de Rothschild ont franchi mardi matin à 8h37 en vainqueur la ligne d’arrivée de l’Arkéa Ultim Challenge, la première course autour du monde en solitaire sur les trimarans géants. Eclairé par quelques rayons du soleil perçant un magnifique ciel orangé à l’approche de la pointe Saint-Mathieu, comme béni des dieux alors que la Bretagne a été noyée sous la pluie ces derniers jours, le marin, qui a fêté ses cinquante ans lundi, aura mis 50 jours 19 heures 7 minutes et 42 secondes pour revenir dans la cité du Finistère qu’il avait quittée le 7 janvier dernier après avoir bouclé plus de 22.500 milles (41.000 km) sur les océans en passant par les 3 caps de référence (Bonne Espérance, Leeuwin et Horn).

Très confortable leader du classement depuis l’entrée dans les mers du sud, Caudrelier s’est même offert le luxe de faire une escale, la semaine passée aux Açores, pendant trois jours. Une pause prudence pour laisser passer la tempête Louis alors que son bateau était fatigué avec un bras avant tribord très abîmé. Une avarie survenue quatre jours après le départ de la course que le marin s’était bien gardé de révéler pour ne pas nourrir les espoirs de la concurrence.

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Caudrelier, qui a compté jusqu’à 3500 milles d’avance sur ses poursuivants au Point Némo (le point de l’océan le plus éloigné de toute terre émergée sur la planète entre l’Australie et le Cap Horn) a signé une aventure hors-norme sur des bateaux dont on ne savait pas s’ils étaient en mesure d’aller au bout de leur périple avec leurs foils géants, appendices fragiles de monstres des mers de 32 mètres de long et 23 de large. Caudrelier aura bouclé son tour du globe à environ 28 nœuds de moyenne (51 km/h).

C’est moins bien que le chrono de référence de François Gabart, détenteur depuis 2017 du trophée Saint-Exupéry (tour du monde à la voile en solitaire) en 42 jours, 16 heures, 40 minutes et 30 secondes. Qu’importe, Caudrelier n’avait pas fait de ce chrono de référence un objectif même sur un bateau de nouvelle génération beaucoup plus rapide que le Macif de Gabart. Il partira d’ailleurs à l’assaut de la planète l’hiver prochain, pour tenter d’améliorer le trophée Jules Verne, toujours sur Edmond de Rothschild, mais en équipage cette fois.

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Pour cette première inédite,ils étaient six au départ, à la barre de trimarans plus ou moins récents. Considéré comme l’un des grands favoris, le jeune Tom Laperche (SVR Lazartigue), 26 ans, a abandonné après onze jours d’un bras de fer féroce avec Charles Caudrelier. Un retrait qui a permis au lauréat de s’envoler au classement. Actuellement 2e et 3e, Thomas Coville (Sodebo) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), d’abord sérieux concurrents à la victoire, ont tous deux été victimes d’avaries les obligeant à faire escale et à laisser filer le véloce Maxi Edmond de Rothschild. Les navigateurs Éric Péron (Adagio) et Anthony Marchand (Actual), à bord des Ultim les plus anciens de la flotte, ont rapidement été distancés mais continuaient courageusement de remonter l’Atlantique sud vers l’équateur lundi.

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Caudrelier a longtemps été le seul marin à éviter les escales techniques avant une pause aux Açores. Avant cela, une dépression avant le passage du cap Horn l’avait obligé à lever le pied avant d’entamer une longue et fatigante remontée de l’Atlantique nord avec un bras entaillé par l’éolienne de bord. «C’est bizarre, mais j’ai eu l’impression de devenir une machine, un robot connecté à la performance, un espèce de tueur qui ne lâche pas un mille nautique», a-t-il confié à l’AFP proche du but.

Cette victoire avec un bateau mis à l’eau en 2017 propulse Caudrelier comme l’un des plus grands navigateurs de la course au large après avoir accroché à son tableau de chasse la Transat Jacques Vabre 2021 et sur la Route du Rhum 2022, qu’il considérait comme son Graal. C’était avant son dernier coup d’éclat ouvrant le palmarès de l’Arkéa Ultim Challenge. À jamais le premier.

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