Les noms n’ont pas tardé à fuiter. Après l’annonce en début de semaine par deux médias, Le Télégramme et L’Équipe, d’une suspicion de tricherie sur le Vendée Globe 2020-2021 concernant deux marins, l’un en mer et l’autre à terre, les noms de Clarisse Crémer et Tanguy Le Turquais sont désormais sur la place publique. Compagnons dans la vie et parents d’une petite fille, ils doivent désormais répondre d’une accusation de tricherie pour avoir échangé des informations concernant la météo, ce qui est formellement interdit par le règlement du tour du monde en solitaire, sans escale mais aussi sans assistance.

Les captures d’écran de l’application WhatsApp envoyées à la Fédération française de voile par un mail anonyme ne semblent guère laisser de doute sur ces échanges de routage totalement prohibés. Et la fédération n’a pas tardé à réagir, en décidant de composer un jury international, d’a priori cinq membres, qui, selon nos informations, a déjà été désigné et devrait se réunir d’ici dix ou quinze jours pour étudier les faits et entendre les marins. La commission de discipline de la fédération devrait se réunir ensuite pour prononcer ou pas des sanctions après avis du jury.

Les deux intéressés n’ont pas tardé à réagir. Et à répliquer ce jeudi sur les réseaux sociaux. « Nous n’avons jamais triché ni jamais eu une quelconque volonté d’enfreindre une règle au fil de ce tour du monde de 87 jours. Durant nos échanges qui relèvent essentiellement de l’intimité d’un couple, Tanguy ne me donne jamais la moindre information que je n’ai déjà, assure Clarisse Crémer. Aucune conversation avec lui n’a contribué à ce que je change de trajectoire ou que je fasse un choix stratégique qui aurait eu un impact sur ma course. J’ai toujours fait tous mes choix de performance seule et sans assistance, conformément aux règles. Trois ans après la fin du Vendée Globe, on ne peut que s’interroger sur les motivations et le timing de cette divulgation anonyme et nous nous réservons le droit de porter plainte le cas échéant. »

En fin d’année dernière, deux marins de la Solitaire du Figaro Paprec, Benoît Tuduri et Pierre Daniellot avaient été sanctionnés pour avoir téléchargé des fichiers météo durant la course avec leur téléphone (ce qui est interdit sur la Solitaire, mais pas sur le Vendée Globe). Le premier a été exclu du classement de la course et le second disqualifié des deuxième et troisième étapes, avant que la fédération ne les suspende de toute compétition avant même leur passage devant la commission de discipline.

Malgré leur démenti, pour Clarisse Crémer et Tanguy Le Turquais, le ciel tourne donc bien à l’orage, voire à la tempête. Car, si les faits sont avérés, la première risque une exclusion du dernier Vendée Globe et donc la perte de sa 12e place et celle de « première femme ». Et, pour les deux navigateurs, le risque est certain qu’ils ne puissent pas participer à la prochaine édition, qui doit s’élancer des Sables-d’Olonne le 10 novembre. La jeune Francilienne avait été déjà au cœur de la tourmente il y a tout juste un an après avoir été débarquée du projet Vendée Globe par son partenaire, Banque Populaire, qui craignait que, en raison de sa maternité, elle n’arrive pas à se qualifier pour l’édition 2024-2025. Son éviction avait été largement critiquée, même par la ministre des Sports. Et elle avait réussi à rebondir en trouvant un nouveau sponsor, L’Occitane, et un bateau qu’elle prépare actuellement en Angleterre avec l’ancien tourdumondiste Alex Thomson. La voilà désormais, avec son compagnon, obligée de se défendre pour sauver son image mise à mal par cette nouvelle affaire.