À Fort de France
Armel, quel sentiment prédomine après cette victoire, votre première dans la Transat Jacques Vabre ?
C’est déjà une grande satisfaction de gagner avec ce bateau. C’est la première grande victoire de Banque Populaire XI. Il y a deux ans, on était là pour la première course ici en Martinique et cette année on récolte les fruits de notre travail après des mois d’optimisation et de fiabilisation. On a démontré sur la course qu’on avait la bonne vitesse et même par moments la très bonne vitesse pour aller chercher la victoire. On est forcément super content et les 14 jours sont passés très vite.
Sébastien, que s’est-il passé dans la tête au moment de passer la ligne d’arrivée ?
Sébastien Josse : C’est la satisfaction du travail accompli car cela fait deux ans qu’on travaille sur ce bateau. Il y a eu énormément d’entraînement et il a fallu aller chercher cette victoire. On a eu les conditions musclées en sortie de Manche, la traversée du golfe de Gascogne a été très complexe avec un retour de SVR Lazartigue… On est satisfait et heureux de ce travail. C’est de bon augure pour les courses à venir.
Et vous avez terminé très vite avec une dernière journée à plus de trente nœuds de moyenne…
Armel Le Cléach : Oui, pour finir on a eu de l’alizé assez établi on a fini vite. On a réussi à faire de belles moyennes à plus de 35,9 nœuds sur la fin. C’était rapide mais toute la course a été rapide, à part au niveau de Madère où on a eu peu de vent. Mais sinon, durant toute la course, on a volé avec notre bateau. On a eu toutes les conditions possibles, c’était incroyable ! Il y en a eu pour tous les goûts sur quatorze jours de course et quasiment 10.000 parcourus au final, soit un tiers de tour du monde. Avec ces bateaux, tout va très vite. En plus, le trimaran est en super état. On pourrait repartir et traverser l’Atlantique pour revenir à Lorient demain.
Vous avez enfin pu exploiter le vrai potentiel de ce trimaran…
Armel Le Cléach : C’était génial ! C’est un bateau qui est arrivé à maturité avec beaucoup de travail de la part de l’équipe. On a pu l’utiliser à 100 % dès le départ au Havre qui a été dantesque. Je n’avais pas fait de départ dans de telles conditions depuis longtemps. Il y avait 35 nœuds et même 45 devant Cherbourg. On a été dans le match d’entrée de jeu.
Ces deux semaines de course ont-elles été un plaisir total ?
Armel Le Cléach : On a eu beaucoup de plaisir pendant les quatorze jours. On a bien rigolé déjà avec Sébastien (rires) C’était vraiment une super ambiance à bord. On s’entendait parfaitement, même quand François (Gabart, ndlr) et Tom (Laperche, ndlr) sont passés devant nous à l’île d’Ascension.
C’est une grande joie ou une joie modérée ?
Armel Le Cléach : C’est une grande joie ! Parce que cela fait longtemps qu’avec Banque Populaire on cherchait une grande victoire. On a eu une Route du rhum difficile il y a un an (achevée à la 7e place, ndlr). On a fait demi-tour pour réparer à Lorient… Cette année, on a travaillé dans l’ombre mais on est revenu plus fort et on l’a montré sur l’eau. Il va falloir continuer dans quelques semaines au départ de Brest…
Le choix de Sébastien Josse pour vous accompagner a été le bon finalement…
Armel Le Cléach : Sans aucun doute (rires) ! Sébastien a une énorme expérience en Ultim et dans tous les domaines. Il n’y a pas photo, c’est un des meilleurs marins français et de la course au large. Il avait déjà gagné la Transat Jacques Vabre alors que moi je n’avais pas eu cette chance-là. Je suis content de partager cette victoire avec lui aujourd’hui. Je lui ai déjà dit à l’arrivée : «Dans deux ans, on y retourne ensemble si tu veux !»
Justement Sébastien, quelle saveur a cette deuxième victoire, après celle acquise en 2013 en Mod70 ?
Sébastien Josse : Elle est différente parce que la première fois c’était une autre catégorie. En Ultim, c’est autre chose… Ce sont des bateaux qui volent et il y a eu un vrai match avec François. Et puis, il y a eu deux ans de préparation. La différence s’est faite sur des petits détails. Il y a une vraie symbiose avec Armel et malgré les conditions musclées de départ, on a été tout de suite en phase tous les deux. Et tout cela avec la bonne humeur, sans aucun coup de mou.
Armel, avez-vous trouvé ce que vous étiez venu chercher dans cette course ?
Armel Le Cléach : On avait clairement dit au départ que ce n’était pas qu’une course de préparation pour le tour du monde de 2024 depuis Brest. On a été à fond jusqu’au bout et on n’a pas préservé le bateau même quand les conditions étaient difficiles. Évidemment on n’a pas fait n’importe quoi non plus.
Vous avez signé un gros coup à Madère, c’était un coup réfléchi ou osé ?
Armel Le Cléach : C’était délicat de sortir un peu du jeu et de s’écarter des autres. On avait un super routeur qui nous a fait une trajectoire magnifique et je tiens à le remercier. C’est le troisième homme du bateau. On a perdu du chemin au début en s’écartant mais il a fallu l’accepter et se montrer patient. Et finalement, le lendemain, quand on a commencé à accélérer et qu’on a vu que c’était payant, on était super heureux. C’était un des moments clés de la course car c’est là où on s’est emparé de la tête du classement et où on s’est échappé.
Mais il a quatre jours, vous avez reperdu les commandes, avez-vous douté à ce moment-là ?
Armel Le Cléach : SVR Lazartigue a été un peu plus vite que nous, ils ont tiré de meilleurs bords. On est tombé dans quelques nuages qui ne nous ont pas aidés. Ça nous a bien fait perdre notre avance qui était de près de 100 milles. On était quand même dans le match avec trente mille de retard après le contournement de l’île. Avec de tels bateaux, c’est vraiment rien, d’autant plus qu’il restait cinq jours de mer derrière. On n’a pas douté mais les voir revenir comme ça nous a mis un peu de pression.