Envoyé spécial à Combloux
Dimanche, Sepp Kuss (Jumbo-Visma) a été renversé par un spectateur qui lui a tendu le bras pour prendre un selfie et l’Américain a perdu l’équilibre, déclenchant un carambolage qui a envoyé deux dizaines de coureurs au sol dont deux coéquipiers. Une mésaventure qui a provoqué la colère des dirigeants de l’équipe néerlandaise faisant savoir qu’ils envisageaient de porter plainte contre le fautif qui a été identifié par la gendarmerie. «L’équipe pourrait le faire. Nous saurons comment et quand», a fait savoir à Reuters l’équipe du maillot jaune. Selon nos informations, ASO, l’organisateur du Tour de France, n’envisage pas de son côté de porter plainte.
Le 8 juillet, Steff Cras (TotalEnergies, 13e du classement général) avait été contraint à l’abandon après une chute provoquée par un homme trop avancé sur la chaussée. «J’espère que tu te sens vraiment coupable. Je dois abandonner le Tour de France à cause de toi», avait réagi sur les réseaux sociaux le Belge qui n’avait pas l’intention d’aller devant les tribunaux.
Le lendemain, Lilian Calmejane (Intermarché) était tombé après avoir accroché avec son vélo un étendage de maillots brandi par un spectateur. Mais il avait pu reprendre le chemin de la route après avoir piqué une grosse colère contre l’individu.
Brandir la menace d’une plainte comme le fait l’équipe Jumbo-Visma est tout sauf une nouveauté sur le Tour de France. En 1975, déjà, Eddy Merckx avait été délibérément et violemment agressé par un spectateur inconscient qui avait donné un coup de poing ans le foie du «Cannibale» dans la montée du Puy-de-Dôme. Une fois la ligne d’arrivée franchie, ce dernier ne s’était pas privé de descendre pour aller s’expliquer avec son agresseur, penaud et prétendant mollement ne pas l’avoir touché. Merckx avait porté l’action en justice et l’homme n’avait été condamné qu’à un franc symbolique.
Bien plus récemment, en 2021, une spectatrice brandissant une pancarte et tournant le dos au peloton filant à grande vitesse avait été à l’origine d’une grande chute collective. L’Allemand Tony Martin, le premier à tomber, avait entraîné dans sa chute de nombreux autres cyclistes. Plusieurs coureurs avaient été contraints à l’abandon, dont l’Allemand Jasha Sütterlin (DSM) et l’Espagnol Marc Soler (Movistar). L’organisateur Amaury Sport Organisation avait porté plainte dans un premier temps avant d’abandonner ses poursuites mais la femme d’une trentaine d’années avait été condamnée le 9 décembre 2021 à une peine d’amende de 1.200 euros par le tribunal correctionnel de Brest et au versement d’un euro symbolique à l’Union nationale des cyclistes professionnels (UNCP), partie civile. Lors de son procès le 14 octobre, le parquet avait requis une peine symbolique de quatre mois de prison avec sursis.
Dans un article publié par Libération en 2018, on apprend que les sanctions à l’encontre d’un spectateur ayant provoqué la chute et éventuellement la blessure d’un athlète peuvent être de trois types : disciplinaire, civile si la victime a subi un préjudice économique du fait de sa chute et enfin pénal, le plus lourd si jamais un coureur était physiquement blessé.
Mais les équipes du Tour de France souhaitent éviter à tout prix d’aller en justice pour faire en sorte que l’événement reste une fête. Elles ont toutes exhorté les spectateurs à être davantage prudents. L’équipe Cofidis a déclaré dans un communiqué que le public n’avait «pas besoin d’un téléphone portable pour créer des souvenirs». Egan Bernal, le champion 2019, était l’un des coureurs abattus dans l’accident et son équipe Ineos Grenadiers a appelé les spectateurs à «donner aux coureurs de la place pour courir».