Les amoureux de statistiques vont sûrement apprécier. Le Leinster est vraiment la bête noire du Stade Toulousain : peu d’équipes peuvent en effet présenter un bilan positif face aux Rouge et Noir depuis le début de la Champions Cup. En 14 confrontations depuis 1997, la province dublinoise s’est en effet imposée à 8 reprises. Un bilan qui s’est bien alourdi ces dernières années, avec trois défaites sèches de rang de Toulouse en demi-finale (2019, 2022, 2023). Mais cette fois, les deux équipes les plus titrées de la compétition se défieront en finale, pour le titre, à l’échelon supérieur. «On est à un match de soulever un trophée, on s’entraîne quotidiennement pour ça, depuis 10 mois cette saison et même plusieurs années. On sait que c’est très dur d’arriver là», plante Antoine Dupont.
Le demi de mêlée et capitaine du XV de France sait l’Everest qui se dresse devant lui et ses coéquipiers. «On connaît très bien cet adversaire, qui est difficile à manœuvrer et qui a autant envie que nous de gagner après avoir perdu deux fois en finale. Ça sera un contexte particulier, auquel il faut qu’on se prépare.» Trois semaines pour se préparer. Pas forcément tranquillement avec la réception du Stade Français Paris, leader rugueux du Top 14, et un déplacement à Montpellier, champion de France 2022 déchu qui bataille en queue de peloton. Pour la finale, «notre composition d’équipe sera peut-être différente dans trois semaines, cela vous laisse du temps pour réfléchir», s’amuse Ugo Mola.
Avant cette demi-finale, le manager toulousain avait lâché une petite pique à sa phalange composée d’internationaux : «Cette équipe a beaucoup d’appétit, elle a envie de marquer son histoire et son passage au Stade Toulousain. Pour l’instant, c’est pas mal, mais ils n’ont pas encore marqué l’histoire du club comme certaines générations.» Dans l’histoire récente, la bande à Dupont et Ntamack a quand même remporté trois Brennus (2019, 2021, 2023) et une Champions Cup (2021). C’est juste le bilan d’Ugo Mola qui est lui encore loin de celui de Guy Novès…
À lire aussiLes notes des Toulousains face aux Harlequins : Dupont omniprésent, Cros et Costes au diapason
Une certitude : les Toulousains vont devoir montrer qu’ils ont gagné en maturité et en efficacité pour renverser le Leinster. «Quand le tableau de la phase finale est tombé, on se doutait que les Irlandais, par leurs qualités et leur appétence pour cette compétition, se retrouveraient à cette place, avance Antoine Dupont. Mais on s’est concentrés sur nous. On connaissait nos objectifs, on s’est mis dans les meilleures conditions pour recevoir en phase finale.» En quarts, les Dublinois ont balayé La Rochelle, qui les avait battus lors des deux dernières finales. Un détail qui n’a pas échappé au demi de mêlée toulousain : «On s’est arrêté lors des deux dernières demi-finales contre le Leinster, mais eux, ils ont ensuite perdu deux fois en finale. Je ne sais pas qui est le plus heureux ou malheureux dans l’histoire. Et maintenant, qu’importe l’adversaire, ça reste une finale. Il y aura évidemment un heureux et un déçu à la fin.»
Cette saison, les Toulousains ont réalisé un parcours immaculé, inscrivant au moins quatre essais lors de toutes leurs sorties en Champions Cup. «On est capables de faire des choses très compliquées, très belles à regarder, mais il y a aussi des choses très simples qu’on fait mal. C’est paradoxal, mais c’est un peu notre vérité», constate Antoine Dupont. Et le meilleur joueur du monde 2021 d’ajouter : «Quand on se jette les ballons, ça finit toujours dans les mains de quelqu’un et on va derrière la ligne. C’est un sentiment hyperagréable, quelque chose qu’on arrive à toucher du bout des doigts par moments et qu’il faudrait qu’on arrive à maîtriser un peu plus.»
Malgré son immense palmarès, le Stade Toulousain a bien conscience qu’il devra vaincre ses vieux démons en finale. «La pression sera décuplée en finale», insiste le centre Paul Costes, déjà révélation de la saison. «Rien n’est fait, rien n’est acquis, martèle le troisième-ligne Alexandre Roumat. Tant que tu ne gagnes pas un titre, ça ne sert à rien de faire les beaux ou de crier victoire, sachant qu’on sait très bien que l’équipe que l’on va affronter c’est sans doute ce qu’il se fait de mieux actuellement.» Et François Cros, inoxydable guerrier, de poursuivre : «On va jouer cette finale à fond pour ne pas avoir de regrets. Toutes les finales sont belles mais celle-là le sera d’autant plus car le Leinster est un adversaire qui nous a éliminés pas mal de fois…»
L’an dernier, avant de subir sa troisième défaite de rang en demi-finale contre les Dublinois, Ugo Mola avait lâché : «Cela fait deux leçons que je prends à Dublin… On m’a toujours dit que quand on répète les mêmes erreurs, on est un peu con. Ou je serai le con de l’histoire avec mon staff, ou on aura compris certaines choses…» Une différence cette année : ce choc n’aura pas lieu à Dublin.
Mais le technicien toulousain reconnaît que sa troupe va aller «défier (son) ogre, une équipe qu’on a du mal à battre mais on ne les a jamais joués à ce niveau-là. Et apparemment on est difficile à battre en finale.» Seulement deux défaites en huit finales, en effet. Méfiance, l’une des deux défaites toulousaines en finale, c’était contre le Munster en 2008 (l’autre contre les Wasps en 2004). Donc Toulouse n’a jamais battu une équipe irlandaise en finale de la Champions Cup. Une statistique à faire démentir.