Déclarations dans la presse des joueurs, des entraîneurs, des dirigeants… L’ambiance autour du MHR n’est pas au beau fixe et chacun semble avoir son avis sur les raisons et les réponses à apporter à une saison si loin des attentes. Il faut bien avouer que dire qu’elle ne tourne pas comme espérée, est un euphémisme. Actuellement avant-dernier du championnat à 7 points du LOU, premier non relégable, après une énième défaite rageante ce week-end face au Castres olympique (27-26).
Le club héraultais inquiète par la perte de confiance totale d’un groupe semble-t-il mal né. Seulement deux ans après leur titre de champion de France, Montpellier se retrouve donc proche de la relégation. Une perspective aussi catastrophique qu’inattendu pour un club disposant de tels moyens financiers, et bâti pour jouer les premiers rôles dans l’Hexagone.
Si l’on revient à la genèse de cette saison, force est de constater que les choses avaient pourtant bien débuté pour le club de l’Hérault. Une première journée victorieuse contre La Rochelle, double champion d’Europe en titre, qui donnait à l’époque l’espoir d’un futur heureux. Celui-ci sera de courte durée, deux défaites contre les “Stades” toulousain et Français, plus tard, Montpellier est déjà treizième, c’est le début des galères.
Mi-novembre après une sixième défaite contre Perpignan, le club descend à la dernière place du championnat. S’en est trop pour Mohed Altrad, le président et propriétaire du club, qui décide d’agir et fait appel pour cela à l’homme avec lequel il vient de vivre une tempête médiatique et judiciaire : Bernard Laporte. Alors qu’ils ont été condamnés ensemble en première instance (ils ont fait appel) pour une affaire de corruption, Altrad donne à son nouveau Directeur du rugby la mission de «sauver le club».
Premier chantier ? Le staff. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, Laporte se sépare de Cockerill et Elissalde, et installe Patrice Collazo comme manager, entouré de Vincent Etcheto, Christian Labit et Antoine Battut. Les noms sont connus, leurs caractères aussi, certains doutant de la possibilité pour ces hommes de travailler ensemble. Pourtant, ils l’assurent tous, ils sont là pour sauver une équipe en péril.
Malgré tout, la sauce ne prend pas, les défaites contre Oyonnax et Bayonne lors des deux journées qui suivent ne permettent pas d’instaurer une bonne dynamique. La possibilité d’une relégation envahit les esprits et l’équipe semble depuis comme pétrifié, incapable de reprendre ses esprits et d’engranger de la confiance. Cinq mois plus tard, la situation n’a pas changé, elle s’est même peut-être aggravée. Les Héraultais n’ont désormais plus que trois matches pour se sauver.
Contre le Stade Toulousain (cependant privé de tous ses cadres) ce samedi, puis contre le LOU et Clermont. Aucun match facile donc, pour un collectif qui, bien que touché mentalement après la cruelle défaite de ce week-end, semble encore avoir envie d’y croire, selon le demi de mêlée Léo Coly. «C’est la fierté qui doit parler maintenant. Quand tous les lundis tu arrives à l’entraînement la tête à l’envers parce que tu as perdu, on en a plein le c**. Je vous le dis, on en a plein le c** ! C’est dur à dire, dur à vivre. Mais c’est là qu’on va se ressouder, qu’on va puiser dans les qualités individuelles de chacun, qu’elles soient mentales ou physiques. Il faut prendre tout ce qui peut nous tirer vers le haut.»
Un état d’esprit que semble partager son entraîneur. «Premier constat : je suis déçu pour les joueurs. Deuxième : on n’est pas démobilisé. Troisième : on va continuer à se battre. Dans notre situation, ça se joue au microdétail. Il faut qu’on ait un état d’esprit encore plus irréprochable, qu’on soit encore plus précis», pose Patrice Collazo.
La possibilité de jouer un barrage est malgré tout forte. Même des bons résultats sur ces trois dernières jouées pourraient ne pas suffire à empêcher les Montpelliérains de disputer un match pour leur survie contre le finaliste malheureux du championnat de Pro D2. Une possibilité dont l’ailier/arrière Julien Tisseron est bien conscient : «Il faut s’y préparer (au barrage), mais ça n’empêche pas qu’on va jouer notre carte à fond sur ces trois derniers matches. On doit l’avoir dans un coin de la tête pour ne pas être pris au dépourvu, mais on ne va pas lâcher.»
Cobus Reinach, numéro 9 champion du monde avec l’Afrique du Sud, et l’un des cadres de l’effectif héraultais, avoue que c’est un sujet dont les joueurs discutent. «Ce barrage, nous devons y être préparés. On n’a pas le droit d’arriver à la fin de la saison et d’être choqué de devoir le disputer. Nous en avons parlé, mais il reste aussi un travail à accomplir avant ça. Et si nous le faisons, nous avons encore une chance de l’éviter.»
Comment expliquer une telle situation dans un club qui était champion il y a peu et qui possède encore aujourd’hui dans son effectif de nombreux joueurs internationaux ? C’est la question qui a poussé Bernard Laporte à tancer son prédécesseur, Philippe Saint-André, dans les colonnes de Midi Libres. «Ce n’est pas normal qu’on soit tributaire de trois, quatre joueurs, avec une très grosse masse salariale d’ensemble. Cette équipe est complètement déséquilibrée, celui qui a fait cette équipe est un escroc».
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Un effectif construit ces dernières années par l’ancien sélectionneur du XV de France , qui a tenu à lui répondre sur RMC: «Être traité d’escroc, venant de Bernard Laporte, je le prends plutôt comme un compliment, Il y a 24 internationaux dans l’effectif du MHR, dont 12 Français. Il y en avait 26 avant, c’est le choix du manager. Bernard Laporte a choisi de se séparer de Henry Thomas, champion de France avec nous en 2022, de Tolu Latu, international australien parti à La Rochelle, et de Paolo Garbisi, que j’avais recruté tout jeune et qui, pour moi, est l’un des meilleurs demis d’ouverture d’Europe.»
Bernard Laporte a aussi regretté le manque de leader dans son effectif, un constat partagé par son prédécesseur. «Sur le leadership, je suis d’accord avec lui (Bernard Laporte), il manque quelques leaders dans cette équipe mais il ne faut pas oublier qu’en 2022, quand on a été champion de France, le capitaine était Yacouba Camara, qui est toujours dans l’effectif et joue, et le vice-capitaine était Geoffrey Doumayrou, a poursuivi Saint-André. Avec Jean-Baptiste Elissalde et Olivier Azam, j’ai entraîné 70 % de cet effectif pendant 30 mois. On a vécu une remontada, deux titres (un en Challenge et un en Top 14), deux quarts de Coupe des champions.» Concluant par ce qui est pour lui le problème majeur du MHR aujourd’hui : «Je sais que, dans cet effectif, il y a des mecs bien, des très bons joueurs, mais il y a un manque de confiance…»
Une passe d’armes entre deux personnalités fortes du rugby français qui permet cependant d’en savoir plus sur les raisons des difficultés montpelliéraines du moment. Et s’il est toujours possible de se déchirer à propos des absents et des erreurs passées, une chose est certaine, il n’y a qu’une seule route vers le maintien. À voir si ce groupe, jugé mal né, en trouvera le chemin.