«Omnipotent», «autocratique», «clivant»… La récente expression du mal-être de salariés et bénévoles au sein de la Fédération française de tennis (FFT) s’accompagne d’une critique virulente en coulisses de la méthode Gilles Moretton, arrivé il y a trois ans, et qui doit désormais faire face à une opposition naissante.
«Les gens se rendent enfin compte. On nous avait vendu le sauveur du tennis français après (Bernard) Giudicelli (prédécesseur de Moretton, ndlr), on n’est pas loin d’avoir un fossoyeur», lâche un ancien cadre de la FFT sous couvert d’anonymat. La charge est violente. Mais elle n’est pas esseulée. Sollicité par l’AFP, Gilles Moretton n’a pas souhaité répondre.
Depuis plusieurs semaines, les révélations successives de courriers dénonçant pêle-mêle le chaos social, l’opacité qui régnerait au sein de la FFT, et plus globalement d’un management autoritaire et défaillant, a alourdi le climat au sein de la maison, alors que les élections se profilent en fin d’année (14 décembre).
Une lettre signée par une centaine de salariés, évoquant «une situation alarmante» et révélée par RMC Sport le 1er février, a, selon une source proche de la FFT, déclenché la scission entre Gilles Moretton et sa directrice générale, Caroline Flaissier, mise à pied le 22 février depuis et convoquée le 5 mars pour un entretien préalable à un licenciement.
Pour l’entourage de Gilles Moretton, cette décision de se séparer de sa DG, qui avait remplacé l’actuelle ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra en mai 2022, constitue une «réponse claire aux attentes et préoccupations exprimées».
«C’est le fusible idéal. Car si elle peut être critiquable dans sa manière de faire, comme pouvait l’être aussi sa prédécesseure, beaucoup trop cassante, la politique globale, c’est bien Gilles Moretton qui la décide», assure un membre de la FFT sous couvert d’anonymat.
Dans une des lettres, un collectif des «Bénévoles anonymes du tennis» demande notamment à Matignon de s’emparer du dossier et d’ouvrir une enquête administrative, la ministre des Sports s’étant déportée de la FFT en raison de son passage comme DG. Ils évoquent également «150 départs sur 400 salariés» depuis l’arrivée de Gilles Moretton, un chiffre pouvant expliquer le malaise. Difficile de savoir.
Interrogée par l’AFP, la FFT a répondu qu’elle avait «recruté plus de 70 personnes en 2023», pour un total de 540 salariés «contre 448 en 2021». Mais pas un mot sur les départs. En mars 2023, Gilles Moretton avait lui-même comptabilisé auprès de l’AFP «110 départs en deux ans».
Le malaise s’était déjà exprimé par voies médiatiques il y a un an au moment des plaintes déposées au PNF sur les affaires de billetterie qui ont depuis donné lieu à une ouverture d’enquête visant notamment Gilles Moretton. À l’époque, sur les critiques visant la vague de départs (110) depuis son arrivée, il avait assuré que tout avait été fait «dans les règles de l’art».
Le président de la FFT a sollicité une rencontre avec le Premier ministre Gabriel Attal «pour évoquer l’actualité de la Fédération», selon l’entourage de Gilles Moretton.
Au-delà de la question sociale au sein de la FFT, un dossier a également récemment cristallisé des tensions jusque-là sous-jacentes. Le déménagement du tournoi (Masters 1000) de Bercy à l’Arena La Défense, officialisé le 29 janvier -mais qui ne faisait guère de doutes depuis des mois, selon plusieurs sources proches des négociations-, ne s’est pas fait sans heurts au sein du Comex de la FFT.
Sur les 18 membres, deux se sont abstenus lors du vote avalisant ce déménagement et l’un d’eux a eu «une explication franche, musclée, voire très musclée avec Gilles», selon une source proche du Comex. «Il y a eu explication un peu tendue oui», reconnaît l’entourage de Gilles Moretton. En cause? La méthode visiblement trop abrupte aux yeux de certains notamment vis-à-vis de la Mairie de Paris, qui était associée au projet pour que la Masters 1000 reste à Bercy.
«Les relations avec la mairie de Paris, qui par ailleurs a Roland-Garros chez elle, doivent être un peu plus fraîches. Ils n’ont pas aimé comment ça s’est passé», assure une source proche des négociations.
«De façon plus générale, la manière de fonctionner de Gilles Moretton est bien trop autocratique. Il décide de beaucoup trop de choses tout seul, et écarte toute voix dissonante», résume une source au sein de la FFT.
La question de la présence d’une liste d’opposition lors des prochaines élections se pose désormais.