L’Angleterre revient de loin, après des mois la tête sous l’eau. La superbe victoire décrochée samedi, dans un Twickenham incandescent, face à la redoutable Irlande (23-22) a réveillé les sujets de Sa Majesté, en souffrance depuis de longs mois. Les supporters anglais, sevrés de victoire depuis 2020 contre l’Irlande, ne pouvaient rêver d’un plus beau scénario à l’issue d’un choc enlevé, renversant et passionnant, où les deux camps se sont rendu coup pour coup. Et la presse britannique, si prompte à descendre en flamme son équipe, sait aussi s’enflammer quand cela le mérite. C’est évidemment le cas ce dimanche avec des médias anglais dithyrambiques.

Ainsi, The Times, pourtant connu pour son calme et son flegme typiquement anglais, n’y va pas par quatre chemins. «Certains jours, le rugby peut frustrer ses fans, il peut être ennuyeux, mécanique et dingue. Et d’autres jours, il peut être comme ça : glorieux. La principale distraction de la planète. Rugby ou sexe ? C’est très proche finalement», s’enflamme le quotidien britannique de référence.

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Et d’enfoncer le clou après cette fin de match complètement folle et ce drop de la victoire de Marcus Smith : «Ce match magnifique, l’un des plus beaux que Twickenham ait connu, a été remporté dans les dernières secondes, après une attaque anglaise dynamique, désespérée mais bien maîtrisée, qui avait créé les conditions pour réussir ce coup de pied facile pour gagner le match, l’arbitre ayant laissé l’avantage. (…) L’Angleterre a gagné. L’Angleterre le méritait. Ils ont joué comme si ce jeu d’attaque rapide et précis était naturel.»

Tout aussi enjoué, The Guardian poursuit : «Ça a été le jour où l’Angleterre a enfin montré son potentiel souvent évoqué et a donné à ses supporters qui souffrent depuis longtemps un aperçu de quelque chose de plus édifiant.» Pour The Telegraph, «si l’Irlande avait besoin de rappeler la raison pour laquelle aucune équipe n’a encore terminé deux Grands Chelems consécutifs dans le Tournoi des six nations, l’Angleterre lui a offert une victoire éclatante, la meilleure du mandat de Borthwick et celle qui a finalement apporté de la joie au pays. Pour le fidèle public de Twickenham après des années de souffrance.»

Depuis quelques semaines, l’absence de l’ouvreur Owen Farrell, qui a fait une pause dans sa carrière internationale pour signer au Racing 92, agite toutes les discussions. Mais l’entrée en jeu décisif de Marcus Smith, au relais d’un George Ford peu inspiré et en manque de réussite dans son rôle de buteur, a clos le débat, si l’on en croit les observateurs d’outre-Manche. «C’était un passage de témoin : Marcus Smith a fait passer George Ford pour un homme hors du temps», analyse The Telegraph. Et de poursuivre : «L’Angleterre est dans le flou depuis la décision d’Owen Farrell de se retirer. Désormais, la question de Smith ou de Ford est définitivement mise de côté.»

Du jour au lendemain, après un début de Tournoi poussif ponctué notamment par une nouvelle défaite contre l’Écosse, le XV de la Rose renaît de ses cendres. «L’Angleterre s’est libérée de ses entraves mentales et peut envisager l’avenir avec un optimisme renouvelé, à commencer par le match contre la France à Lyon samedi», avance ainsi The Guardian.

Du côté de l’Irlande, ce n’est pas forcément la soupe à la grimace, mais ça y ressemble un peu. Le XV du Trèfle a été dominé et n’a pas su garder le score en fin de match. «Le dernier but de Marcus Smith met fin aux espoirs de l’Irlande d’enchaîner un nouveau Grand Chelem», titre The Irish Times, qui reconnaît sans ambages : «L’équipe de Steve Borthwick a joué avec ferveur, ambition et, surtout, précision, pour déstabiliser fréquemment la défense irlandaise et mettre plus de punch dans ses courses et ses collisions.»

Notre confrère irlandais Murray Kinsella, journaliste pour le site spécialisé The 42, avance que «c’était le Six Nations dans sa forme la plus frénétique, passionnante et brutale. (…) La meilleure équipe a gagné. L’équipe de Steve Borthwick, sous le feu des critiques, a marqué trois essais contre deux pour l’Irlande et a su s’imposer grâce à la superbe atmosphère créée par une foule de 81.686 personnes à Twickenham.»

«Trop souvent, l’Irlande a donné le sentiment d’avoir perdu son sang-froid, assène-t-il. Il y a eu une grande période en deuxième mi-temps où les hommes d’Andy Farrell ont mal joué, le capitaine Peter O’Mahony étant même exclu pendant cette période. On n’a jamais eu l’impression que l’Irlande était l’équipe qui dictait le rythme du match.» Place désormais au dernier match face à l’Écosse dans cette édition 2024, que les Irlandais peuvent quand même remporter. Mais le Irish Times ne se voile pas la face : «Dans les jours qui viennent, ce prix de consolation de conserver le titre dans le Tournoi semblera de toute façon un peu creux…»