Depuis le 4 octobre, Cyril Gauthier est à la tête d’une nouvelle entité née de la fusion entre le Marathon des Sables, célèbre course l’ultrafond dans le désert au Maroc (240 km en cinq étapes) et les Half-Marathon des Sables, des courses plus courtes et plus abordables (70 à 120 km en trois étapes), toujours dans le désert. Ce nouveau géant des courses en milieu désertique a toutefois connu une déconvenue avec le report du rendez-vous en Égypte, initialement programmé du 18 au 24 novembre, en raison des répercussions du conflit entre Israël et le Hamas. Un coup dur qui ne remet pas en cause le calendrier 2024 même si des contraintes lourdes en matière d’organisation pèsent sur ce type d’épreuve.

Pourquoi avoir annulé le Marathon des Sables en Égypte ? Cyril Gauthier : L’épreuve n’a pas été annulée mais reportée à novembre 2024. On aurait pu la maintenir parce que tout le monde le souhaitait : nos équipes déjà sur place et les responsables locaux, mais avec des nouvelles conditions imposées par l’Égypte juste avant la course, cela n’était pas possible car celles-ci nous faisaient perdre notre ADN. Les pertes en tant qu’organisateur sont colossales : entre 500.000 et 700.000 euros car tout notre matériel, le dispositif médical, le bivouac étaient déjà sur place.

À lire aussiLe Marathon des Sables, une semaine hors du temps pour un millier de participants

Quelles étaient ces nouvelles conditions ? Le bivouac aurait dû être placé près d’un village pour des questions de sécurité alors qu’en temps normal nous sommes isolés au milieu de nulle part. On nous imposait aussi de ne plus courir de nuit alors que sur la grande étape, les coureurs sont 70% à terminer le parcours de nuit. Enfin, il fallait modifier les itinéraires avec de nouveaux tracés sur lesquels l’armée aurait été capable d’assurer la surveillance. On aurait pu accepter ces conditions mais on prenait le risque d’insatisfaire une bonne partie des 450 inscrits.

Étiez-vous entièrement rassuré sur les nouvelles conditions de sécurité ?Il peut toujours y avoir un problème… Il y avait une suspicion que nous n’avions pas eue la semaine précédente avec l’épreuve organisée en Jordanie où toutes les garanties avaient été apportées. Il s’agit pourtant d’un pays encore plus proche du conflit Israël-Hamas mais nous n’avions aucun doute concernant la sécurité, ce qui n’était pas le cas en Égypte. On a préféré reporter l’édition 2023 et laisser un peu de temps passer.

La sécurité constitue-t-elle un casse-tête récurrent pour l’organisateur que vous êtes ?Nous fonctionnons toujours de la même façon, que ce soit au Maroc ou aux îles Canaries, et toujours en étroite liaison avec le gouvernement. Cela devient un casse-tête en cas de conflit avec une protection renforcée des coureurs comme ce fut le cas en Jordanie. Mais nous avons rencontré des problèmes sur d’autres continents aussi : en pleine crise au Pérou, nous avions dû faire face à un soulèvement populaire et un couvre-feu et il avait fallu rapatrier 500 coureurs environ.

Avez-vous déjà reçu des menaces de groupes armés en tant qu’organisateur ?Non, jamais.

Êtes-vous inquiet concernant l’avenir des courses au Moyen-Orient dans des pays susceptibles d’être touchés par le conflit actuel ?Même si nous avons quelques destinations qui peuvent être impactées, nous en avons d’autres courses dans d’autres régions du monde, en Amérique du Sud, aux Canaries ou en Turquie, un pays pourrait être aussi concerné par une crise. C’est évident que si tout le Moyen-Orient s’enflamme, ça peut devenir un problème mais je rappelle quand même que depuis 1986, seule la crise du Covid a provoqué l’annulation du Marathon des Sables au Maroc en 2020. Pendant la guerre en Irak et le Printemps arabe, il avait été maintenu.

À lire aussiUn Français décède sur le Marathon des Sables, victime d’un arrêt cardiaque

Existe-t-il des projets d’installation dans d’autres pays en cas d’instabilité chronique au Moyen-Orient ?Oui, certains pays nous réclament, en Europe de l’Est par exemple, comme au Kazakhstan avec des déserts incroyables mais en ce moment ce n’est pas possible avec la proximité du Kirghizstan et des tensions à la frontière tadjiko-kirghize. Il y a aussi des déserts sublimes en Iran mais pour le moment c’est impossible d’y aller. Mais tout peut aller très vite. Pendant des années, la Mauritanie a été fermée et aujourd’hui, toutes les agences de voyages proposent cette destination en assurant que la sécurité est garantie dans une partie du pays. De nombreux pays sont candidats pour nous accueillir car c’est plusieurs millions d’euros d’investis à chaque course sur place en plus d’une visibilité que nous leur offrons sur les réseaux sociaux.

Il existe aussi un projet de course en Israël…Ce n’est malheureusement pas possible actuellement mais tout est prêt pour une course là-bas. Quand je discute avec les Jordaniens et les Égyptiens, ils ne souhaitent pas qu’un événement se tienne dans ce pays mais nous ne faisons pas de politique. J’ai d’ailleurs rencontré un milliardaire israélien qui veut soutenir l’épreuve à une condition : que toutes les confessions soient présentes en course. Ce serait génial mais ce projet est reporté pour de longues années je pense…

L’Arabie saoudite est-elle aussi est une option ?Oui, le pays nous a fait une demande. Il s’agit d’une option mais les discussions sont longues et cela avance lentement. Ces dernières années, plus de 50% des concurrents sur les Half Marathons des Sables étaient des femmes. Il n’est pour le moment pas question d’aller dans un pays où on imposerait des conditions de participation touchant à l’ADN de l’épreuve.

Quid de la question de la protection de l’environnement et de l’impact carbone pour un organisateur comme vous ?La thématique est incontournable. Je prends l’exemple du Pérou avec lequel nous sommes en négociations : le gouvernement souhaite obtenir un autre itinéraire afin de protéger le milieu naturel. Nous avons prouvé en plusieurs éditions que nous préservions le désert mais les aléas politiques sont fréquents… En Namibie, nous allons organiser une course où jamais personne n’a posé les pieds, dans une réserve naturelle, et on se réunira à l’issue de l’événement pour savoir si nous poursuivons l’aventure. Nous tenons absolument à ce que l’impact de nos courses soient le plus faible possible. Le carbone est notre hantise. On sait que nous allons demander à nos concurrents de prendre l’avion pour venir. Sur place, on ramène le coureur à un stade animal j’ai envie de dire : il est sous sa tente, fait sa popote, utilise des toilettes basiques ou fait dans un sac. L’impact écologique est très faible et nous ambitionnons de faire baisser notre impact carbone de 60 à 70% entre le Marathon des Sables Legendary 2023 (nouveau nom du Marathon des Sables) et celui de 2024.

Le programme 2024 des courses

Avril : Marathon des Sables Legendary, MarocMai : Marathon des Sables, NamibieMai : Marathon des Sables, Jordanie (à confirmer)Juin : Marathon des Sables, Cappadoce (Turquie)Septembre : Marathon des Sables, Fuerteventura (Canaries)Octobre : Marathon des Sables, MarocNovembre : Marathon des Sables, JordanieNovembre : Marathon des Sables, ÉgypteDécembre : Marathon des Sables, Pérou (à confirmer)