Des experts du club de football de Liverpool ont collaboré à un nouvel outil d’intelligence artificielle de Google proposant les meilleures tactiques à suivre pour tirer un corner, selon une étude scientifique publiée mardi.
Pour autant, aucun joueur de l’équipe anglaise n’a mis en œuvre ces recommandations, dont un expert indépendant estime qu’elles demanderont à être vérifiées sur le terrain.
Les corners ont cette particularité de geler une situation de jeu au cours d’un match, caractérisé par la fluidité. Ce qui facilite une analyse fondée sur les données. De nombreux clubs étudient déjà de près les combinaisons optimales pour jouer ce coup.
DeepMind, la filiale de Google dédiée à l’intelligence artificielle (IA), a dévoilé dans la revue Nature Communications un nouvel outil d’assistance, TacticAI, censé apporter des suggestions notamment pour les corners. L’étude a bénéficié du concours de cinq experts du mythique Liverpool FC.
TacticAI propose des combinaisons idéales pour défendre sur un corner ou mettre à profit cette situation, en incluant des ajustements très fins en placement et vitesse d’exécution.
Dans l’étude, les experts se sont vus présenter 50 combinaisons possibles de corners, et pour chacune un choix à l’aveugle entre une tactique générée par intelligence artificielle et une autre déjà utilisée en entraînement.
À 90%, ces spécialistes ont retenu la solution préconisée par TacticAI, selon l’étude. Ce serait la preuve que l’outil d’assistance est «capable de fournir des suggestions utiles et concrètes», a dit à l’AFP le chercheur de DeepMind et coauteur de l’étude Petar Velickovic.
Le modèle d’IA repose sur des données «assez rudimentaires» de positions, rapidité, poids et taille de joueurs de la Premier League anglaise, selon lui.
Ordinairement, les modèles d’IA sont entraînés sur des jeux de données se comptant en milliards. Mais on ne compte en moyenne qu’une dizaine de corners par match, avec quelques centaines de rencontres dans une saison.
TacticAI utilise un «ingrédient secret», selon M. Velickovic, l’apprentissage profond géométrique, qui manipule virtuellement l’orientation du terrain de football pour multiplier le nombre de données disponibles.
Le système devrait être adaptable à d’autres compartiments du jeu, mais aussi à d’autres sports, selon les chercheurs.
Le club de Liverpool a déjà collaboré sur d’autres projets avec DeepMind, qui était à l’origine une jeune pousse britannique avant son rachat par Google, et dont le cofondateur Demis Hassabis est un «grand fan» du club, selon le premier auteur de l’étude, Zhe Wang.
«On verra probablement des clubs utiliser des techniques similaires», pense M. Velickovic. Même si les joueurs du Liverpool FC ne s’y sont pas mis pour l’instant et que les fans des Reds ont élu le corner frappé par Trent Alexander-Arnold et repris magistralement par Divock Origi en Ligue des champions 2019 contre Barcelone comme le plus beau jamais exécuté.
Mais pour Andy Harland, professeur en technologie du sport à l’Université britannique de Loughborough, l’utilité de TacticAI en cours de jeu reste douteuse.
Sa «valeur ne pourra être constatée que par son utilisation dans des matches», a-t-il dit à l’AFP, en estimant qu’il n’est juste «qu’une contribution supplémentaire dans un domaine déjà très encombré». Sans parler du fait que «si chacun utilise sa propre intelligence artificielle», leurs effets pourraient s’annihiler mutuellement.